Juridique

Droits de donation et de succession — guide pour les cohabitants

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 « Love and marriage » vont de pair, chantait Frank Sinatra dans les années 1950. Mais les temps changent. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes préfèrent la cohabitation de fait ou la cohabitation légale au mariage.

L’amour peut revêtir de multiples formes, mais aux yeux de la loi, les personnes engagées dans un mariage et celles en cohabitation ont bel et bien un statut distinct. Ainsi, les cohabitants ne sont pas des héritiers protégés par la loi. S’ils veulent se protéger mutuellement en cas de décès, ils doivent entreprendre des démarches spécifiques en bonne et due forme, par exemple par le biais d’une donation, de la désignation explicite d’un bénéficiaire dans une police d’assurance-vie ou d’un testament. Pour en savoir davantage à ce sujet, lisez notre article « Cohabitation et droit successoral – À quoi votre cohabitant a-t-il droit ? ».

Mais la vigilance est également de mise sur le plan fiscal. Dans bien des cas, les cohabitants sont en effet juridiquement des étrangers l’un pour l’autre et s’exposent donc au paiement de droits de succession et de donation très élevés. Et bien que les régions aient égalisé, dans certains cas, les taux d’imposition en matière de succession et de donation, chacune a sa propre définition du terme « cohabitants ».

La forme de cohabitation choisie a des conséquences fiscales, y compris pour les droits de succession et de donation.

Nous résumons ci-dessous la définition de la cohabitation et les taux d’imposition en matière de droits de succession dans chaque région.

Les droits de succession pour les cohabitants non mariés

En Région flamande, les cohabitants légaux bénéficient du même tarif de droits de succession que les couples mariés à savoir le tarif le plus avantageux fiscalement  dès lors qu’ils ont effectué une déclaration de cohabitation légale1. En outre, cette même assimilation s’applique également aux cohabitants de fait si deux ou plusieurs personnes tiennent un ménage commun depuis au moins un an2 au jour du décès et vivent effectivement ensemble3. On vise ici non seulement les cohabitants ayant un lien affectif, mais aussi les enfants (non mariés) qui continuent à vivre dans l’habitation parentale après le décès de leurs parents et y tiennent un ménage commun. Après un an de vie commune, ils peuvent donc, s'ils héritent l'un de l'autre, bénéficier du même tarif de droits de succession que les couples mariés et les cohabitants légaux, comme expliqué ci-dessus.

En Région wallonne, seuls les cohabitants légaux bénéficient du même tarif de droits de succession que les personnes mariées. Là encore, ces taux réduits s’appliquent dès la signature de la déclaration de cohabitation légale. Quant aux cohabitants de fait, la Région wallonne ne leur accorde aucun statut spécifique sur le plan fiscal, de sorte que, selon leur lien de parenté avec le défunt, ils sont parfois imposés à des taux allant jusqu’à 80 %.

Comme en Région wallonne, en Région de Bruxelles-Capitale, seuls les cohabitants légaux bénéficient du même tarif de droits de succession que les personnes mariées. L’assimilation s’applique à partir du moment où ils font une déclaration de cohabitation légale. Jusqu’à présent, les cohabitants de fait ne peuvent pas bénéficier de taux réduits, même s’ils vivent ensemble depuis des décennies. Les taux des droits de succession qui leur sont applicables sont toujours déterminés par leur lien de parenté avec le défunt. Or, ces taux atteignent souvent 80 %. Le législateur bruxellois prévoit toutefois d’assimiler aux époux et cohabitants légaux, les cohabitants de fait qui vivent ensemble et tiennent un ménage commun depuis au moins un an au moment du décès, et ce, pour les décès à partir du 1er janvier 2024.

Cette assimilation aux époux a des implications non négligeables. Le taux des droits de succession entre toutes autres personnes (voir tableau 2), qui s’applique entre cohabitants de fait en l’absence d’assimilation, est en effet beaucoup plus élevé. En outre, dans les régions flamande et de Bruxelles-Capitale, tout ce qui est reçu en héritage par des « étrangers » doit être globalisé pour déterminer les taux applicables. Ensuite, les droits dus sont répartis proportionnellement entre les différents héritiers. Ainsi, l’héritier ou le légataire qui reçoit un petit héritage (par exemple 100 euros) sera taxé au même taux moyen que celui qui reçoit un héritage plus conséquent (par exemple 1 000 000 euros). Pour le cohabitant (non assimilé à un époux), cela peut signifier une augmentation considérable de l’imposition.

Dès lors, toute personne qualifiée de « cohabitant » selon les critères susmentionnés peut bénéficier des mêmes taux de droit de succession que les couples mariés. Ces taux diffèrent selon les régions, comme le montre le tableau 1.

Tableau 1 : Tranches et taux des droits de succession entre époux et cohabitants assimilés

Région flamande
Taux des droits de succession entre époux, cohabitants légaux et cohabitants de fait qui vivent ensemble de manière ininterrompue et tiennent un ménage commun depuis au moins un an.
Région wallonne
Taux des droits de succession entre époux et cohabitants légaux qui sont domiciliés à la même adresse.
Région de Bruxelles-Capitale
Taux des droits de succession entre époux et cohabitants légaux.
0,01 € - 50.000 € 3 % 0,01 € - 12.500 €
12.500,01 € - 25.000 €
25.000,01 € - 50.000 €
3 %
4 %
5 %
0,01 € - 50.000 € 3 %
50.000,01 € - 250.000 € 9 % 50.000,01 € -100.000 €
100.000,01 € - 150.000 €
150.000,01 € - 200.000 €
200.000,01 € - 250.000 €
7 %
10 %
14 %
18 %
50.000,01 € - 100.000 €
100.000,01 € - 175.000 €
175.000,01 € - 250.000 €
8 %
9 %
18 %
Plus de 250.000 € 27 % 250.000,01 € - 500.000 €
Plus de 500.000 €
24 %
30 %
250.000,01 € - 500.000 €
Plus de 500.000 €
24 %
30 %

 

Il convient de souligner que ces taux sont applicables uniquement si le cohabitant hérite effectivement du cohabitant décédé, ce qui n’est pas automatiquement le cas.

Tableau 2 : Tranches et taux des droits de succession entre toutes autres personnes, applicables aux cohabitants non assimilés à des époux

Région flamande
Taux des droits de succession entre époux, cohabitants légaux et cohabitants de fait qui vivent ensemble de manière ininterrompue ou qui tiennent un ménage commun depuis moins un an.
Région wallonne
Taux des droits de succession entre cohabitants légaux qui ne sont pas domiciliés à la même adresse et entre cohabitants de fait.
Région de Bruxelles-Capitale
Taux des droits de succession entre cohabitants de fait.
0,01 € - 35.000 € 25 % 0,01 € - 12.500 € 
12 500,01 € - 25.000 €
30 %
35 %
0,01 € - 50.000 € 40 %
35.000,01 € - 75.000 € 45 % 25.000,01 € - 75.000 € 60 % 50.000,01 € - 75.000 € 55 %
Plus de 75.000 € 55 % 75.000,01 € - 175.000 €
Plus de 175.000 €
80 %
80 %
75.000,01 € - 175.000 €
Plus de 175.000 €
65 %
80 %

 

Domicile fiscal

Pour déterminer si une personne peut être qualifiée de « cohabitant » et bénéficier d’une assimilation aux époux en matière de droits de succession et de donation, on tient compte de la résidence fiscale du défunt au moment de son décès (pour les droits de succession) ou du donateur au moment de la donation (pour les droits de donation). S’il vivait en Région flamande à ce moment-là, ce sont les règles flamandes qui s’appliquent. Toutefois, si le défunt ou le donateur avait établi son domicile fiscal dans plusieurs régions en Belgique au cours des cinq années précédant son décès ou la donation, ce sont les règles de la région où il a vécu le plus longtemps au cours de cette période qui seront prises en considération.

Quels sont les droits de succession applicables au logement familial ?

Dans les trois régions, le logement familial est exonéré des droits de succession, du moins si cette habitation est détenue à titre privé4 et est recueillie par le cohabitant survivant. Mais là encore, on note des différences régionales.

La Région flamande accorde cette exonération de droits de succession à l’époux survivant, au cohabitant légal survivant et même au cohabitant de fait survivant. Pour éviter les abus, ce dernier doit avoir vécu avec le défunt pendant au moins trois ans (et pas seulement une année) au moment de son décès et avoir tenu avec lui un ménage commun5. Cette exonération ne s’applique pas si le cohabitant qui obtient une partie de ce logement familial est un parent en ligne directe (enfant, petit-enfant, parent, etc.) du défunt ou un ayant droit assimilé à un ayant droit en ligne directe pour l’application du taux (par exemple, un beau-fils)6.

En Région wallonne, l’exonération est limitée à l’époux survivant et au cohabitant légal survivant. En outre, l’habitation doit avoir servi de résidence principale au défunt et à son cohabitant au moment du décès pendant au moins cinq ans, sauf cas de force majeure. Il est à noter que cette condition de durée de cohabitation dans le logement s’applique dans cette région non seulement aux cohabitants légaux, mais aussi aux époux. L’exonération du logement familial ne s’applique pas en Région wallonne aux cohabitants de fait. Dès lors, lorsqu’ils se favorisent mutuellement par testament s’agissant du logement familial, l’ardoise fiscale peut être si élevée que la « protection » de ce dernier relève du vœu pieux… Il est alors préférable d’envisager d’autres solutions (par exemple, prévoir une clause d’accroissement ou opter pour la cohabitation légale).

La Région de Bruxelles-Capitale prévoit également une exonération des droits de succession pour le logement familial du défunt et de son partenaire au moment du décès. Et cela sans condition de durée de cohabitation. Toutefois, cette exonération ne s’applique qu’à l’époux survivant et au cohabitant légal survivant, et non au cohabitant de fait. En outre, elle ne s’applique pas si le cohabitant légal qui obtient une partie du logement familial est un parent en ligne directe du défunt (par exemple, un enfant, petit-enfant, parent, etc.) ou un ayant droit assimilé à un ayant droit en ligne directe7 pour l’application du taux (par exemple, un beau-fils). De même, l’exemption ne joue pas non plus s’il s’agit d’un frère ou d’une sœur, d’un neveu ou d’une nièce, d’un oncle ou d’une tante du défunt. Dans son projet de réforme des droits de succession, le législateur bruxellois prévoit que pour les décès postérieurs au 1er janvier 2024, le cohabitant de fait survivant pourra également bénéficier de l’exonération du logement familial des droits de succession, à condition que les cohabitants de fait aient vécu ensemble à la même adresse depuis au moins trois ans (au lieu d’un an) au moment du décès et qu’ils aient tenu un ménage commun.

Dans notre article « Le logement familial en droits de succession : comparaison entre les trois régions » , vous trouverez plus d’information sur les régimes préférentiels de droits de succession applicables au logement familial.

Les droits de donation pour les cohabitants non mariés

S’agissant des droits de donation, les règles d’assimilation des cohabitants (légaux et de fait) sont soumises aux mêmes conditions que celles prévalant pour les droits de succession.

Ici aussi, il existe des différences significatives dans les taux applicables entre les couples qualifiés de « partenaires » d’une part et ceux qui sont imposés comme des étrangers d’autre part. À partir du 1er janvier 2024, les cohabitants de fait de la Région de Bruxelles-Capitale seront vraisemblablement assimilés à des époux pour autant qu’ils vivent ensemble et tiennent un ménage commun depuis au moins un an au moment de la donation.

Conclusion

Les formes de cohabitation hors mariage ont des implications différentes selon les régions. Pour les cohabitants qui ont fait une déclaration de cohabitation légale, le lieu de résidence du défunt au moment du décès n’a finalement pas beaucoup d’importance puisqu’ils sont protégés de la même manière dans les trois régions. Le cohabitant légal survivant pourra, en principe, toujours bénéficier de l'assimilation aux époux en matière de droit de succession sur la part qu'il recueille dans la succession de son cohabitant.

En revanche, les cohabitants de fait ont tout intérêt à s’intéresser en temps utile à la région dans laquelle ils vivent et aux conséquences de leur forme de cohabitation. Cela peut en effet leur permettre de réaliser d’importantes économies d’impôts.

  1. Cette assimilation immédiate peut être intéressante dans certaines situations, par exemple si l’un des cohabitants est gravement malade.
  2. Pour que le logement familial soit exonéré de droits de succession (cf. infra) et pour bénéficier du régime favorable de transmission des entreprises familiales et des sociétés, les cohabitants de fait doivent avoir vécu ensemble depuis au moins 3 ans au décès de l’un d’eux et avoir tenu un ménage commun.
  3. L’inscription au registre de la population constitue une présomption réfutable de cohabitation ininterrompue et de vie en ménage commun.
  4. Cette exonération ne s’applique pas si le logement familial est la propriété d’une société.
  5. Le décret prévoit en outre que ces conditions sont réputées remplies si la cohabitation et la tenue d’un ménage commun avec le défunt sont devenues impossibles à la suite d’un cas de force majeure, à condition qu’ils aient quand même vécu ensemble plus de trois ans avant cette interruption.
  6. En outre, l’exonération de droits de succession applicable entre couples, cohabitants légaux et cohabitants de fait pour la première tranche de 50 000 euros de biens mobiliers ne s’applique pas au partenaire survivant si ce dernier est un parent en ligne directe du défunt ou un ayant droit assimilé pour l’application du taux.
  7. Le cas échéant, ils peuvent hériter du logement familial à un taux réduit. Ainsi, les taux de succession « ordinaires » pour ces personnes jusqu’à la tranche de 250 000 euros peuvent être réduits d’un tiers à condition que le défunt soit au moins copropriétaire en pleine propriété de l’immeuble, que cet immeuble soit situé dans la Région de Bruxelles-Capitale et qu’il ait servi de résidence principale pendant au moins cinq ans au moment du décès.

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