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Damla, Sophie, Tarik, et tous les autres encore. Ils ont entre 10 et 18 ans et proviennent des quatre coins du monde, mais ils ont un point commun : la musique. Ils vivent pour et par cette dernière à la Musica Mundi School à Waterloo.
Jusqu’en 2018, il n’existait pas en Europe occidentale d’école pour les musiciens de très haut niveau au cours de leur adolescence. Ces derniers devaient donc poursuivre leur formation académique classique, tout en continuant leur apprentissage musical sur le côté. Un exercice particulièrement compliqué pour des jeunes qui aspirent à une carrière musicale.
La création de l’école Musica Mundi – un internat en réalité – leur permet désormais de combiner les deux. Avec cette école All Steinway d’enseignement Cambridge, Hagit et Leonid veulent proposer le meilleur à leurs élèves. Ils mettent ainsi le meilleur matériel possible à leur disposition, par exemple uniquement des pianos Steinway, mais prévoient aussi un apprentissage régulier avec des maîtres musiciens mondialement reconnus, tout en dispensant une formation générale de qualité. L’avantage de l’enseignement Cambridge, c’est la flexibilité pour les élèves qui peuvent se concentrer sur leurs matières préférées. À 18 ans, ils en sortent avec un diplôme de l’enseignement secondaire et un solide bagage musical leur permettant de poursuivre leur voie.
Situé sur le Domaine de Fichermont à Waterloo à quelques pas du célèbre lion, cet internat occupe un ancien monastère, aujourd’hui désacralisé. Le bâtiment fut construit en 1927 comme lieu de paix sur le champ de bataille de Waterloo. Une école dans un couvent, comment est-ce possible ? « Ce fut un miracle », témoigne Hagit. « Nous nous battions depuis des années pour ouvrir une école et un beau jour, l’Église nous a contactés en nous proposant un bail emphytéotique de 99 ans afin d’y créer notre école. Après neuf mois intenses de travaux de rafraîchissement, nous ouvrions les portes de l’école à 25 élèves. »
Intégrer la Musica Mundi School est un choix et un privilège réservé aux musiciens talentueux de 10 à 18 ans. Ils doivent donc passer une audition pour pouvoir bénéficier de cet enseignement. L’équipe évalue à la fois leurs compétences musicales et académiques, mais aussi leur personnalité. En effet, outre le talent, il faut faire preuve de discipline, d’implication et de persévérance, voire d’indépendance. Hagit confirme : « Certains quittent donc leur famille et leurs amis à l’âge de 10 ans pour rejoindre cet internat de l’autre côté du globe. D’autres n’entendent parler de l’école qu’à 16 ans, mais ils sont les bienvenus également. L’essentiel : le talent et la volonté de poursuivre une carrière musicale. »
La musique est en effet au centre de leur formation. Chaque élève reçoit deux heures de cours individuel par semaine de son instrument principal, mais aussi une heure de piano. À cela s’ajoutent encore la théorie musicale, l’harmonie, l’histoire de la musique, la direction de l’orchestre, la composition, la musique de chambre, la chorale, et minimum 3 heures par jour d’entraînement individuel avec son instrument. Il lui faut également répéter pour les différents concerts prévus pendant l’année. Et bien sûr les cours académiques, par exemple les mathématiques et les sciences. Vous l’aurez compris, ces jeunes prodiges n’ont guère le temps de s’ennuyer.
Cette année, l’école rassemble 42 élèves, issus de 22 pays et de milieux différents, parlant souvent une autre langue, jouant des instruments distincts (piano, violon, violoncelle, alto, harpe et hautbois) et ayant jusqu’à 8 ans d’écart. Comment une telle diversité peut-elle fonctionner ? C’est en réalité assez simple, car ces enfants ont une passion commune : la musique. Un enfant qui arrive à l’école sans connaître l’anglais, la langue de l’école, va bien sûr bénéficier de cours plus poussés, mais il va surtout très vite être intégré par ses camarades. Notamment grâce à la musique de chambre qui leur demande de s’accorder en duo, trio, quatuor, etc. Ce joyeux mélange crée aussi une émulation collective. Les enfants vivent ensemble au quotidien, ils se voient travailler et progresser, se soutiennent et s’encouragent mutuellement. Bref, ils partagent leurs joies et leurs peines, et se créent une nouvelle famille à l’école.
« Ces enfants partagent leurs joies et leurs peines, et se créent une nouvelle famille à l'école »
Un tel apprentissage présente toutefois un coût très important pour les familles. Aussi il est très fréquent que ces jeunes musiciens bénéficient d’une bourse plus ou moins partielle. Ce fonctionnement n’est possible que grâce à des mécènes privés et tient particulièrement à cœur à Hagit : « Il est pour nous hors de question de refuser un élève pour des raisons financières. Nous trouvons toujours une solution. D’autant plus qu’une fois que les enfants sont à l’école, les différences de milieu se gomment, car ils ont le même objectif de vie. »
Hagit Hassid-Kerbel et Leonid Kerbel, respectivement israélienne et ukrainien, mais surtout pianiste et violoniste, vivent en Belgique depuis 1988. Alors qu’ils étaient encore tous deux en formation, Hagit a suivi son mari à Bruxelles pour que ce dernier poursuive son apprentissage pendant un an avec un musicien qui vivait en Belgique. Ils y ont trouvé une nouvelle patrie qui les a accueillis avec chaleur. Les années ont passé et ils s’y sont durablement installés. Ils partagent aujourd’hui ce foyer d’adoption avec de nombreux enfants tout aussi passionnés de musique. La pédagogie est un élément important de leur parcours. Aussi, en 1999, il ont lancé le Festival Musica Mundi. C’est finalement en 2018 qu’ils ont créé l’école dont ils rêvaient depuis 2001 déjà. Comme aime le dire leur fils, le festival et l’école sont le frère et la sœur qu’il n’a jamais eus. Cette année, 42 élèves musiciens ont pris leurs quartiers à Waterloo. Une 5e année d’aventures musicales pour Hagit et Leonid avec ces virtuoses issus d’Albanie, d’Allemagne, d’Australie, de Belgique, de Bulgarie, de Biélorussie, de Chine, du Chili, d’Espagne, de France, d’Italie, d’Israël, du Japon, du Kazakhstan, de Malaisie, de Norvège, des Pays-Bas, de Pologne, de Russie, de Slovénie, de Turquie ou encore d’Ukraine.
Au cours de la deuxième année de vie de cette école, cette dernière fut toutefois confrontée à un problème de taille : la crise sanitaire. Lors du confinement en 2020, l’école a dû fermer physiquement ses portes et les élèves sont rentrés dans leurs familles. Ces dernières étaient en effet effrayées par l’image donnée par les médias de la Belgique qui avait le taux de mortalité le plus élevé. Mais quelques jours avant le confinement, Hagit et son mari trouvaient déjà une solution. Alors que personne ne parlait à l’époque de cette application, l’école a donc acheté des licences professionnelles de Zoom afin que les professeurs puissent donner cours en ligne à leurs étudiants. Et puis les enfants sont progressivement revenus.
En juillet, Hagit a de nouveau dû trouver une alternative pour le Festival Musica Mundi, un stage d’été de deux semaines qui rassemble normalement chaque année une septantaine de jeunes prodiges. Hors de question pour l’école de l’annuler. Après avoir contacté toutes les autorités, Hagit a reçu l’autorisation de l’organiser quand même : « Nous avons vécu dans notre bulle de 50 personnes pendant 10 jours. Le plus étrange fut pour les élèves de jouer devant une salle vide, mais heureusement nous avions pu organiser une diffusion en live sur Internet avec la présence de chaînes de télévision. »
La crise sanitaire a toutefois eu un petit impact sur la croissance de l’école l’année d’après. Des élèves qui étaient inscrits ont annulé leur venue. Mais cela a aussi créé de nouvelles opportunités : tous les concerts sont désormais diffusés en live sur Internet, offrant à ces jeunes talents une scène mondiale. Et c’est d’ailleurs grâce à cela qu’un enfant chilien a découvert l’existence de l’école. Il est aujourd’hui assis sur les bancs aux côtés de ses camarades.
Toute l’équipe de Musica Mundi se démène au quotidien pour aider chaque enfant à poursuivre son rêve. Et cela paye ! Plusieurs étudiants ont terminé leurs études au cours des deux dernières années, et ils ont été acceptés dans les plus prestigieux conservatoires et écoles de musique. Leur carrière est lancée, rendez-vous dans quelques années.
Plus d'informations : www.musicamundi.org
