Comme chaque année, l’administration fiscale a communiqué en juin 2019 les thèmes à l’égard desquels elle exercera dorénavant un contrôle plus strict. En font partie les revenus tirés de la mise en location d’un bien immobilier. Le fisc contrôlera activement si vous déclarez effectivement vos revenus immobiliers et si vous le faites de la bonne manière. La fiscalité sur les loyers perçus diffère en effet selon l’usage que le locataire fait du bien immobilier mis en location.
En outre, il ressort de la jurisprudence que le fisc passera davantage au crible la manière dont vous vous comportez en qualité de bailleur. Ainsi, les loyers que vous percevez seront imposés différemment selon que vous faites de la gestion de votre patrimoine immobilier une activité professionnelle ou non. Cette différence de traitement vaut également pour la plus-value réalisée lors de la vente de cet immobilier, même s’il existe encore à cet égard une « voie médiane » sur le plan fiscal. Nous évoquons ce point plus loin dans l’article.
Règles fiscales relatives aux revenus locatifs
Règles fiscales selon l’affectation du bien par le locataire1
Mise en location d’un bien immobilier situé en Belgique
Vous louez à un particulier un bien qu’il utilise à des fins privées ? Dans ce cas, vous indiquez dans votre déclaration non pas le loyer réellement perçu, mais le revenu cadastral (RC) non indexé — voir plus loin. Le fisc y appliquera lui-même le coefficient d’indexation et majorera ensuite le RC de 40 %. Sur le montant ainsi calculé, vous serez imposé aux taux progressifs habituels (qui vont de 25 % à 50 % + l’impôt communal).
Vous louez le bien immobilier à une personne morale ou à quelqu’un qui l’utilise à des fins professionnelles ? Dans ce cas, vous devez en principe déclarer les revenus locatifs réels, sous déduction de frais forfaitaires. Le montant ainsi calculé sera lui aussi imposé aux taux progressifs habituels.
Mise en location d’un bien immobilier situé à l’étranger
Le traitement fiscal de revenus locatifs tirés d’un bien immobilier étranger est débattu depuis longtemps. S’agissant d’un bien immobilier étranger qui est loué à une personne privée, le fisc campe sur ses positions : les revenus locatifs réels (après déduction de l’impôt étranger et de frais forfaitaires) doivent être déclarés.2 Cette attitude implique cependant une discrimination par rapport à un bien immobilier belge mis en location dans les mêmes conditions et pour lequel le bailleur, comme nous l’avons dit, est imposé sur la base du RC. Le 25 juillet 2019, la Commission européenne a donc lancé une procédure d’infraction contre l’État belge devant la Cour de justice européenne en le menaçant du paiement d’astreintes. Soyons clairs : la plupart du temps, les revenus immobiliers étrangers sont exonérés de l’impôt belge en vertu des conventions préventives de la double imposition conclues par la Belgique. Mais cela ne signifie pas pour autant que vous ne devez pas déclarer ces revenus. Ces derniers sont en effet pris en compte pour déterminer le taux d’imposition applicable à vos autres revenus (par exemple du travail). Et vous payez également l’impôt communal sur ces revenus (le cas échéant).
1Nous ne parlons pas ici du cas particulier de la mise en location de meublés.
2Pour les biens immobiliers étrangers qui ne sont pas mis en location, le fisc belge accepte cependant, à la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 12 avril 2018, que le bailleur déclare l’équivalent étranger du RC au lieu du loyer réel, à l’instar du traitement que le fisc belge réserve à une seconde résidence belge non mise en location.
Des modifications sont-elles en vue ?
Le revenu cadastral qui, comme nous l’avons mentionné plus haut, sert à calculer l’impôt sur un bien immobilier utilisé à des fins privées est une sorte de revenu net (estimé forfaitairement) du bien en question. Bien que la loi prévoie une révision décennale de tous les RC de biens immobiliers situés en Belgique, la dernière réévaluation de ce type remonte à 1979. Dès lors, la taxation fondée sur le RC reste en principe largement plus favorable, malgré l’indexation et la majoration de 40 %, par rapport à l’imposition des revenus locatifs réels. Cette situation a déjà donné lieu à diverses discussions au niveau européen et national.
On attend de voir ce que le prochain gouvernement fera de l’avis du Conseil Supérieur des Finances.
Le Conseil Supérieur des Finances publiera bientôt un rapport exposant différentes propositions destinées à réformer globalement l’impôt des personnes physiques. La fiscalité relative aux biens immobiliers devrait y être réexaminée en profondeur. Il faut donc attendre de voir ce que le prochain gouvernement fédéral fera de cet avis et examiner son impact sur le traitement fiscal des revenus immobiliers (revenus locatifs et plus-values).
Règles fiscales selon la qualité du bailleur
Le traitement fiscal de vos revenus immobiliers dépend non seulement de l’affectation que votre locataire réserve au bien loué, mais également de l’ampleur de votre patrimoine immobilier et du caractère professionnel de sa gestion (notamment le temps que vous y consacrez).
En théorie, il existe trois modes d’imposition des revenus immobiliers : comme revenus immobiliers, revenus divers ou revenus professionnels. L’imposition comme revenus immobiliers est la règle générale. Si le fisc veut qualifier les revenus que vous tirez de biens immobiliers de revenus divers, il doit pouvoir démontrer qu’il s’agit d’une gestion anormale d’un patrimoine privé et/ou d’une spéculation — voir plus loin. Si le fisc veut aller encore un pas plus loin et imposer ces revenus comme des revenus professionnels, il doit démontrer que le bailleur utilise son patrimoine immobilier pour exercer une activité professionnelle. Selon la Cour de cassation, les revenus locatifs ne peuvent cependant jamais être imposés comme des revenus divers, contrairement aux plus-values tirées de la revente d’un bien immobilier. Les revenus obtenus d’une location sont donc soit des revenus immobiliers soit des revenus professionnels.
Pourquoi cette qualification est-elle pertinente ? Parce que des règles spécifiques s’appliquent à l’imposition des revenus immobiliers locatifs qui sont surtout favorables en cas de location à une personne privée. Elles ne visent donc pas la situation où la location est devenue une activité professionnelle en tant que telle. Dans ce cas, les revenus réels sont taxés aux taux progressifs et peuvent de surcroît être assujettis au paiement de cotisations de sécurité sociale. L’ensemble des prélèvements fiscaux peut donc s’alourdir considérablement.
Pour qu’il soit question d’une activité professionnelle, l’administration fiscale doit démontrer que cette activité couvre un ensemble d’opérations qui sont suffisamment nombreuses, répétées et liées et qui sont organisées de manière professionnelle. Comme vous l’aurez sans doute remarqué, ces critères sont assez vagues. Et pour cause : l’administration entend délibérément ne pas les préciser. Mais la jurisprudence nous permet de les clarifier davantage : pour déterminer le caractère professionnel ou non de revenus locatifs, les éléments suivants sont pris en compte :
Le nombre de biens qui sont mis en location
Plus ample est le portefeuille immobilier, plus élevée est la probabilité qu’il s’agisse de revenus professionnels. Les instances judiciaires estiment en tout cas souvent que lorsqu’un bailleur met en location plusieurs appartements dans plusieurs immeubles, il s’agit d’une activité professionnelle. Par exemple, 24 appartements et 3 garages ; 6 immeubles abritant différents appartements et un bien commercial. Cependant, la qualification de revenus professionnels ne vise pas exclusivement les patrimoines immobiliers d’une ampleur considérable. La possession d’un seul immeuble, accompagnée d’autres facteurs négatifs, peut s’avérer problématique également. Comme l’a confirmé une réponse à une question parlementaire (n° 55000302C) du 18 septembre 2019 : les contrôles du fisc visent tous les propriétaires, qu’ils possèdent plusieurs immeubles ou un seul.
L’existence et la nature d’une profession à titre principal
Vous êtes bailleur, chômeur et disposez donc de beaucoup de temps pour mettre vos biens en location ? Cela peut jouer en votre défaveur. Vous exercez bel et bien une profession à titre principal, mais elle est liée au secteur immobilier ou vous avez jadis travaillé dans ce secteur ? Cela peut aussi jouer contre vous.
Organisation et prestation de services complémentaires
La manière dont est exercée l’activité de location importe tout autant. Vous effectuez de vos propres mains les travaux de transformation, de rénovation ou d’entretien des biens que vous mettez en location ? Dans la mesure où vous devez y consacrer un temps non négligeable, cela s’apparente également à une activité professionnelle. En définitive, toutes les opérations liées à la gestion d’un patrimoine immobilier sont prises en compte, comme le fait de nettoyer soi-même les locaux mis en location, d’encaisser les loyers sur place, de se charger soi-même des formalités administratives (au lieu, par exemple, de les confier à une agence immobilière).
La manière dont le bien immobilier est entré dans le patrimoine
Si votre patrimoine immobilier a pour origine un héritage ou une donation, cela joue en votre faveur. En revanche, si vous achetez et revendez fréquemment des biens immobiliers en les mettant en location dans l’intervalle, le fisc examinera votre situation d’un œil beaucoup plus critique. L’importance des montants des opérations d’achat et de vente peut également entrer en ligne de compte dans son appréciation.
Le financement par crédit hypothécaire
Si vous avez acheté un bien immobilier, entièrement ou non, avec votre épargne personnelle, votre dossier sera plus solide que si vous avez emprunté la totalité du montant. Surtout si l’objectif est de payer les mensualités du crédit à l’aide des loyers perçus. Le fisc y voit alors un argument pour justifier une imposition au titre de revenus professionnels.