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Fusions et acquisitions : un véritable baromètre économique

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Les mégafusions et acquisitions suscitent bien souvent l’engouement des marchés. Ces deux dernières années, ces deux dernières années, plusieurs d’entre elles ont fait la une des journaux : AT&T et Time Warner (85 milliards de dollars), Walt Disney et Twenty-First Century Fox (71 milliards de dollars) et Bristol Myers Squibb et Celgene (74 milliards de dollars). Quelles sont les forces motrices du marché des fusions et acquisitions ?

On observe depuis les années 2000 une tendance de fond. Alors que le nombre de transactions était à peine d’environ 2 700 en 1985, il a été multiplié par 10 en une douzaine d’années. L’an dernier, il a atteint un nouveau record : plus de 51 000 transactions, pour un total de quelque 4 000 milliards de dollars. Où se situe-t-on cette année ? Le compteur affichait à la fin juin pas moins de 2 000 milliards de dollars. Même si nous avons récemment assisté à un ralentissement, les fusions et acquisitions sont toujours à un niveau élevé, à la plus grande joie des investisseurs qui espèrent retirer une belle prime de ces opérations.

 

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« Record en 2018 : 51 000 transactions pour une valeur de totale 4 000 milliards de dollars. »

Raisons des fusions & acquisitions

Par essence, une entreprise cherche à se développer. Si elle n’y arrive pas organiquement, elle peut alors envisager une fusion ou une acquisition. Ses managers peuvent se rapprocher d’une autre société pour diverses raisons :

  • élargir le portefeuille de clients dans un marché mature
  • diversifier l'offre de produits
  • se concentrer sur ses activités de base
  • créer des synergies et réduire les coûts

Primes en baisse

Une étape importante du processus de fusions-acquisitions est la détermination de la valeur réelle de la société cible. Pour ce faire, l’acquéreur utilise généralement les paramètres suivants : le multiple de l’EBITDA (excédent brut d'exploitation), la valorisation des cash flows futurs et des synergies potentielles.

« Les primes sont inférieures à la moyenne historique, mais les fusions-acquisitions sont loin d'être bon marché. »

L’acquéreur peut payer une prime s’il estime que les synergies vont créer une valeur supérieure au coût total d’acquisition. Les primes servent également à convaincre les actionnaires de la société achetée d’accepter l’offre. L'examen des primes historiques payées sur des transactions comparables est un élément clé pour définir la fourchette de prix d'achat. Actuellement, elles sont inférieures à la moyenne historique, mais les fusions-acquisitions sont loin d'être bon marché. En effet, les sociétés à vendre affichent déjà un cours de Bourse élevé.

 

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AB Inbev, un exemple emblématique

Carlos Brito, le CEO d’AB Inbev, a construit un empire en rachetant ses concurrents locaux pour ensuite réaliser d’énormes réductions de coûts. Les synergies réalisées lors de ces rachats ont permis d’augmenter considérablement les marges du brasseur, ce qui lui a permis de continuer à emprunter pour réaliser de nouvelles acquisitions. Un véritable cercle vertueux.

Cependant, vu les inquiétudes des marchés face à son endettement élevé, AB Inbev a cédé en juillet dernier sa filiale Carlton & United Breweries (CUB) à Asahi Group Holdings pour 11 milliards de dollars. Il réalise ainsi une belle opération vu que le prix valorise CUB à près de 15 fois son EBITDA de 2018.

Environnement favorable

Outre des critères purement commerciaux, il existe plusieurs facteurs pouvant stimuler les fusions et acquisitions. L’exemple des États-Unis est très éclairant.

  • La réforme fiscale du président Trump a conduit au rapatriement de milliards de dollars permettant aux entreprises de se constituer un véritable trésor de guerre. Plusieurs entreprises ont alors été en mesure d’opérer des rapprochements stratégiques.
  • La persistance de faibles taux d'intérêt a également été un stimulus : les crédits bon marché ont permis à certaines entreprises de mener à bien des opérations de fusion et acquisition.
  • La bonne santé de l’économie américaine de ces dernières années a également été un facteur incitatif.

En 2018, ces trois éléments ont eu un effet d’entraînement. Les opérations se sont enchaînées en un temps record, mais elles ont ensuite connu une baisse de régime à la suite du déclenchement du conflit commercial sino-américain.

Quelques ombres au tableau

Le renforcement de la politique protectionniste de l’administration américaine freine l’activité de fusion-acquisition. Cet environnement hostile ne pousse pas les entreprises américaines à s’aventurer en dehors de leurs frontières nationales. De plus, les crédits sont principalement destinés à financer des opérations sur le marché intérieur nordatlantique.

Au Royaume-Uni, la saga du Brexit a également freiné les fusions et acquisitions : le pays a perdu sa troisième place au niveau mondial et la valeur des transactions a chuté de 62 % au premier trimestre 2019.

Méfiance des régulateurs

En 2019, les plus importantes opérations ont eu lieu aux États-Unis et ce n’est pas un hasard. L’Europe est plus frileuse aux mégafusions et plusieurs transactions ont été bloquées au premier semestre 2019. L’organisme britannique de surveillance de la concurrence a rejeté la proposition de fusion de Sainsbury's et Asda (7 milliards de livres britanniques) par crainte d’une hausse des prix pour les consommateurs. La Commission européenne a pour sa part bloqué le projet de rapprochement des activités ferroviaires d’Alstom et de Siemens (15 milliards d’euros). Ces signaux émis par les régulateurs poussent certaines entreprises à se détourner des opérations susceptibles d'être recalées par ces instances.

Même aux États-Unis, le ton se durcit face aux géants technologiques (Amazon, Alphabet, Facebook) par crainte que ces sociétés ne restreignent trop la concurrence. Une enquête a récemment été lancée par le ministère américain de la Justice vu les soupçons de position dominante sur certains marchés.

Pharma et techno en tête

Plusieurs transactions importantes ont été réalisées au premier semestre 2019 dans le secteur pharmaceutique. L’Américain AbbVie a accepté en juin dernier de débourser pas moins de 63 milliards de dollars pour acquérir Allergan, qui produit notamment le Botox. La reprise s’accompagne d’une prime de 45 % par rapport au cours de clôture de l’action Allergan. La prime se justifie par plusieurs éléments : l’achat d’Allergan va permettre à AbbVie d’occuper une position dominante sur les marchés du Botox et d’un certain nombre de médicaments (cosmétiques, oculaires, …) et de dégager de nouvelles sources de croissance. Stratégiquement, l’opération s’avérait indispensable vu l’expiration du brevet sur Humira, un médicament qui traite les maladies inflammatoires chroniques et qui représente plus de la moitié du chiffre d’affaires d’AbbVie. Cette fusion est la seconde plus importante opération de l’année dans le secteur pharmaceutique, après celle de Bristol-Myers Squibb et Celgene pour 74 milliards de dollars américains. En juillet, Pfizer et Mylan ont annoncé la création d’une joint-venture (UpJohn-Mylan) pour redonner de l’oxygène à leurs ventes dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Début juin, Alphabet (maison-mère de Google) a annoncé l’acquisition de Looker (plateforme d'analyse des données) pour 2,6 milliards de dollars. Il s’agit du plus gros investissement du géant américain depuis la reprise de Nest, le fabricant de produits domotiques, pour quelque 3,2 milliards de dollars en 2014. Alphabet entend ainsi améliorer les capacités de Google Cloud et rattraper son retard sur ses concurrents Amazon et Microsoft. La prime d’acquisition de 63 % par rapport à la valeur de Looker se justifie donc selon, Thomas Kurian, le CEO de Google Cloud.

Également début juin, Salesforce, le numéro un des solutions CRM (optimisation de la gestion des relations client) a acquis pour 15,7 milliards de dollars américains Tableau Software, le leader de l’analyse des données client. La prime d’acquisition s’élève à près de 50 %. Cet investissement intervient alors que la concurrence s’intensifie dans le secteur du Cloud, qui compte d’importants acteurs comme Amazon, Oracle et Microsoft.

Baromètre de l’activité

Les fusions et acquisitions sont un véritable baromètre économique. Les chefs d’entreprise ambitieux qui réalisent de telles opérations donnent un coup de fouet à l’économie : hausse de la valeur ajoutée, de la confiance …

Les États disposent de leviers importants en la matière : favoriser de bonnes relations commerciales, fixer le niveau de taxes … Les régulateurs qui veillent à une saine concurrence sur les marchés, sont généralement réticents à voir se développer des acteurs dominants. En revanche, un marché des fusions-acquisitions florissant réjouit l’investisseur, et pas seulement s’il dispose en portefeuille de la société reprise. En effet, ces transactions mettent du baume au coeur des marchés, ce qui est particulièrement appréciable en période incertaine.

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