Bourse et économie

L’économie et le politique : un couple devenu tumultueux

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Les investisseurs se souviendront de 2019 comme d’une année volatile. Le mélange de solides résultats des entreprises et de tensions géopolitiques croissantes a troublé les investisseurs, hésitant entre confiance et doute.

De la symbiose au protectionnisme

Durant la Grande Crise de 2008 et les premières années de redressement qui ont suivi, le politique a agi avec détermination, de concert avec les grandes banques centrales. Onze années de croissance ont suivi, marquées par une baisse spectaculaire du chômage et une reprise vigoureuse de la consommation. Cette reprise s’est produite sans inflation – grande et mystérieuse absente de cette décennie – ce qui a permis aux banques centrales d’accompagner tout le cycle par une politique monétaire innovatrice et exceptionnellement accommodante.

Cette symbiose entre le politique et l’économique s’est rompue depuis juin 2016, date du referendum sur le Brexit, suivi de peu par les élections américaines et le retour du protectionnisme. Le grand mouvement d’intégration du marché européen et de libéralisation des échanges commerciaux, continu depuis les années cinquante, s’est progressivement inversé. Le secteur industriel est le premier touché, particulièrement en Chine et en Allemagne, car les mesures protectionnistes paralysent les investissements et déstabilisent les chaînes de production, qui s’étaient développées internationalement. Par contre, le secteur des services, beaucoup plus important que le secteur industriel, continue sa progression.

Heureusement, la hausse spectaculaire de l’emploi, la progression des salaires et la baisse des charges financières ont permis une croissance du pouvoir d’achat et de la consommation privée. Les États agissent également, par le biais de mesures de relance budgétaires aux États-Unis (avec un déficit public de 6 % du PIB), en Chine, au Japon et, plus timidement, en Europe. 

 

Croissance de l'économie mondiale

 
 

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Source : IMF, World Economic Outlook (Octobre 2019)

 

 
 

La croissance ralentit

Mondialement, la croissance s’affaiblit, mais reste résiliente ; selon le FMI, elle devrait se stabiliser à 3 % en 2019 et 3,4 % en 2020. La zone euro, largement nette exportatrice, est particulièrement touchée par les évolutions politiques et devrait connaître une croissance limitée de 1,2 % en 2019 (contre 1,9 % en 2018). Le secteur automobile, important en Allemagne, est affecté par l’affaiblissement de la demande en Chine et l’introduction de mesures antipollution contraignantes. Aux États-Unis, les mesures fiscales de relance et le mouvement de relocalisation de l’industrie, qui ont favorisé la croissance en 2017 et 2018, voient leurs effets s’atténuer à partir de 2019, alors que l’impact de la guerre commerciale avec la Chine commence à se faire sentir. La croissance devrait graduellement se réduire à 2,4 % en 2019 et 2,1 % en 2020. La Chine décélère également : sa croissance devrait baisser à 6,1 % en 2019 et à 5,8 % en 2020. Le gouvernement fait un usage modéré des mesures de relance, veillant à atténuer l’impact des tarifs douaniers américains tout en contenant la hausse inquiétante de l’endettement. Le Royaume-Uni connaît une croissance limitée, autour de 1,4 % ; selon les prévisions actuelles, le Brexit devrait entraîner une perte cumulée de PIB de 5 à 8 %, impactant le PIB de la zone euro de l’ordre de 1,5 à 2,5 %.

L’action des banques centrales

Après dix années de soutien monétaire exceptionnel, les banquiers centraux pensaient pouvoir enfin inverser leurs politiques monétaires afin de disposer à nouveau de « munitions » pour contrer un éventuel retournement de la conjoncture. Dès le début de l’année, la Fed (banque centrale américaine) a fait machine arrière, baissant trois fois ses taux directeurs et reprenant ses injections de liquidités. En septembre, la BCE (banque centrale européenne) a également renforcé sa politique déjà accommondante. D’autres banques centrales ont également emboîté le pas.

En dépit des désordres politiques, l’économie mondiale fait preuve de résilience.

Ces actions ont entraîné une baisse généralisée des taux d’intérêt, la masse des obligations à taux négatif atteignant 12 trillions de dollars. Les taux bas devraient continuer à prévaloir pendant plusieurs années : les économistes prévoient que les taux directeurs de la BCE pourraient rester négatif pendant plusieurs années encore !

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Les marchés financiers

Comme d’habitude, les marchés financiers oscillent en fonction des sentiments des investisseurs : fear (peur) ou greed (appât du gain) :

  • Fear : peur des désordres politiques, peur d’une récession après un si long cycle positif, peur du niveau de valorisation des actions ;
  • Greed : face à une rémunération nulle ou négative des liquidités et des obligations, les actions constituent un des rares actifs avec une perspective de rémunération positive et potentiellement croissante, mais aussi plus risquée.

La résilience de l’économie mondiale, soutenue par la consommation, une robuste progression des résultats des entreprises depuis 2018 et des taux d’intérêt au plancher sont un soutien solide et durable pour les actions. Ce sont ces trois éléments qui ont fait rebondir les marchés en 2019, chaque fois qu’ils ont connu un mouvement de baisse. Ils sont actuellement proches de leur sommet de l’année : +25,30 % aux États-Unis (S&P 500 en dollars américains), +20,67 % en Europe (Stoxx 600 en euros), +27,17 % en Chine (Shanghai Shenzen CSI300 en yuans). Par contre, en 2019, les taux d’intérêt des obligations à 10 ans reculaient de +0,24 % à -0,36 % en Allemagne et de +2,68 % à +1,77 % aux États-Unis. De plus, les analystes s’attendent à une croissance bénéficiaire des actions autour de 9 % pour l’année 2020 en Europe et aux États-Unis. Même si ces prévisions s’avéraient trop optimistes, les actions restent clairement plus avantageuses que les obligations.

Au niveau des devises en 2019, l’euro s’est affaibli par rapport au dollar américain (-3,92 %), au yen (-4,15 %) ; vu l’espoir d’un accord sur le Brexit, la livre sterling progresse également par rapport à l’euro (+5,54 %).

Les matières premières ont connu de belles progressions cette année : +16,04 % pour le pétrole (Brent), +14,15 % pour l’or, +8,15 % pour l’indice Thomson/Reuters Core Commodity.  

Quelles seront les évolutions en 2020 ? 

La conclusion d’un accord sur un Brexit modéré, un apaisement des tensions à Hong Kong, une trêve dans la lutte commerciale États-Unis–Chine et l’absence de mesures commerciales contre l’Europe seraient évidemment bienvenues pour les marchés ; dans le cas contraire, ceux-ci pourraient connaître des turbulences. Néanmoins, tant que l’économie mondiale fera preuve de résilience, les marchés devraient se montrer capables d’absorber ces chocs, comme ils l’ont fait en 2019. Le soutien des banques centrales sera également un facteur positif en 2020. Une grande vigilance par rapport à ces évolutions restera bien sûr de mise dans la gestion des portefeuilles.

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