Bourse et économie

Le gouvernement chinois vise les Big Tech

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Avec une armada de nouvelles régulations et restrictions, les autorités chinoises entendent limiter le pouvoir des grands acteurs technologiques. Les investisseurs s’inquiètent de cette ingérence du gouvernement chinois. Ainsi, l'indice Hang Seng Tech a dégringolé de 19,2 % (exprimés en euros) depuis janvier, tandis que les valeurs technologiques américaines continuent de progresser (+22,7 %). Quelles sont les causes de cette situation ?

Une ingérence de plus en plus importante des autorités chinoises

Les autorités chinoises ont annoncé il y a quelques mois vouloir réguler davantage et limiter le pouvoir des secteurs à croissance rapide. Ces derniers, actifs entre autres dans les services de paiement, de formations en ligne, de sécurité des données, ainsi que dans les jeux vidéo, peuvent s’attendre à de nouvelles réglementations, restrictions et taxes.

Pourquoi de telles mesures à l’encontre de secteurs-clés de l’économie ? Plusieurs raisons les expliquent. Les dirigeants chinois souhaitent, tout d’abord, mieux réglementer la confidentialité des données des utilisateurs, promouvoir la concurrence, mieux réguler les fintechs et lutter contre les salaires trop bas des employés des sociétés de livraison.

Ces interventions sont aussi idéologiquement motivées. La Chine souffre d’un vieillissement de sa population, une conséquence de la politique de l’enfant unique – récemment abolie. Elle souhaite rajeunir et éduquer sa population grâce à une politique plus favorable aux familles.

Par ailleurs, la formation et l'éducation sont considérées comme le meilleur moyen de gravir les échelons de la société en Chine. Ce secteur (enseignement à domicile et à distance, préparation à l'université) représente quelque 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel. Toutefois, le gouvernement s'inquiète de l'augmentation du coût de l'éducation de la population, de la pression exercée sur les enfants pour atteindre les meilleurs résultats et des inégalités sociales engendrées par ce système.

La solution avancée par le gouvernement ? Les établissements d'enseignement à domicile et parascolaires doivent désormais obtenir le statut d’organisme sans but lucratif. Ce mémo divulgué récemment a fait s’envoler plusieurs milliards d'euros de capitalisation boursière des principaux acteurs du secteur.

Exceller est crucial dans cette région et les parents préfèrent éloigner les jeunes de tout ce qui pourrait les détourner de l'objectif ultime : de brillants résultats scolaires. Cible principale : les jeux vidéo en ligne. Un journal d'État chinois a donné au divertissement le surnom peu flatteur d’opium spirituel. Les investisseurs accusent le coup : en 2018, Pékin avait déjà limité le temps de jeu en ligne pour les mineurs. Fin août, le verdict est tombé : les enfants en Chine ne sont autorisés à jouer aux jeux vidéo que trois fois par semaine, à savoir le vendredi, le samedi et dimanche, pendant une heure maximum.

Face à ces mesures, les investisseurs se détournent de ces secteurs

C’est une évidence, les entreprises technologiques chinoises doivent se conformer à la vision du Parti communiste en matière de sécurité nationale et de stabilité sociétale. Les investisseurs ont cependant des doutes quant à cette ingérence toujours croissante. Les actions technologiques chinoises ont chuté de près de 19,2 % depuis le début de l'année, soit 50,7 milliards d'euros de capitalisation boursière partis en fumée.

Environ 50 milliards d’euros de capitalisation boursière sont partis en fumée. 

Au cours des derniers mois, Cadelam, gestionnaire de fonds du Groupe, a réduit son exposition directe à la Chine, principalement dans le secteur technologique.

Évolution des actions technologiques chinoises et américaines

20210902-cadelam1Source: Bloomberg

La Chine demeure un marché de croissance intéressant

Après les États-Unis et l’Europe, la Chine est un des pays avec la plus forte pondération au sein des portefeuilles actions avec 11 % selon la répartition du chiffre d’affaires, et seulement 4 % directement en actions chinoises. Celles-ci sont cotées aux États-Unis et à Hong Kong et via des trackers sur le marché intérieur chinois.

Les 7 % restants sont indirectement exposés à la Chine, par le biais d’actions d’entreprises occidentales, entre autres issues du secteur du luxe. Ces sociétés réalisent une part importante de leur chiffre d’affaires en Chine. Ces entreprises, notamment européennes, bénéficient de la transparence et de la bonne gouvernance propres aux entreprises du Vieux Continent et sont donc moins exposées aux risques ESG (environnementaux, sociaux et en matière de gouvernance) et d’ingérence des autorités.

Cadelam est convaincu du potentiel de croissance fondamental à long terme des actions chinoises. Non seulement ce marché est gigantesque, mais il croît aussi plus vite que ses homologues européen et américain. Ceci est en partie dû à la croissance de la classe moyenne, garantie d’une vigoureuse demande notamment des produits de luxe, de tourisme et d'assurance.

En outre, la Chine a pu tourner la page de la pandémie plus rapidement qu’en Occident grâce à l’action décisive (quoiqu’autoritaire) des autorités. La Chine évolue également de plus en plus vers une économie de services, où la création de valeur ajoutée est beaucoup plus élevée que dans une économie manufacturière.

Répartition géographique des portefeuilles (sur la base du chiffre d'affaires des entreprises)

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Source: Delen Private Bank/FactSet

Portée par une croissance économique robuste, la Chine est en plein essor. Le pays a dépassé l'Europe en termes de produit intérieur brut et ne devance désormais le pays de l’Oncle Sam que de peu. Ce mouvement de rattrapage ne se fait pas sans heurts. Les relations entre les États-Unis et la Chine sont souvent tendues, notamment en matière de commerce et de technologie, et les questions géopolitiques (à propos de Hong Kong et Taïwan) sont également sources de troubles. Le Président Biden suit pleinement la ligne de Donald Trump à cet égard, même si c'est peut-être plus par souci des droits de l'homme que d'un état d'esprit America First comme son prédécesseur.

Un potentiel intact à long terme

La détermination de Xi Jinping à faire plier la société chinoise à sa volonté se traduit par une série d'interventions de plus en plus drastiques. Aucun secteur ne semble y échapper. L'ingérence du gouvernement chinois est un facteur dont les investisseurs doivent tenir compte, vu le risque croissant des investissements dans cette région. C’est pourquoi Cadelam a décidé de prendre des bénéfices sur certaines de ses positions directes dans le secteur technologique chinois.

Néanmoins, Cadelam reste convaincu du potentiel à long terme de la Chine. Les arguments fondamentaux pour investir en Chine restent intacts : classe moyenne en croissance, transformation vers une économie à valeur ajoutée, innovation technologique, urbanisation de la société. Enfin, le gouvernement chinois a tout intérêt à regagner la confiance des investisseurs.

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