Bourse et économie

La croissance exponentielle d’Amazon

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L'investisseur qui a acheté le titre Amazon en 2007, juste avant la crise bancaire, a réalisé une très bonne affaire : le cours a été multiplié par 18,3. Cela équivaut à un rendement annuel d'environ 31 %. Les valorisations sont du même acabit : le cours équivaut à 4,3 fois le chiffre d’affaires estimé pour 2018 et à 56 fois le bénéfice espéré de 2019. Le 4 septembre dernier, la capitalisation boursière du géant de l'e-commerce a dépassé le cap des 1 000 milliards de dollars. S'agirait-il d'une bulle ? Apparemment, pas encore. L'empire de Jeff Bezos, basé à Seattle, aligne d'année en année des chiffres de ventes époustouflants et accumule des montagnes de liquidités, qu'il utilise pour investir dans de nouvelles technologies et procéder à des acquisitions utiles. Son credo ? « More, more, more ! »

Jeff Bezos, créateur du groupe, est aujourd'hui l'homme le plus riche de la planète. On dit qu'il aurait dessiné un jour, sur une serviette de restaurant, la figure schématique ci-contre : plus de produits, plus de services, plus de fournisseurs, plus d'options de livraison et plus d'informations mèneront à plus de clients, de revenus et de bénéfices. Un raisonnement simple, redoutablement efficace.

« La devise d'Amazon ? « More, more, more ! » »

À peine 23 ans plus tard, Amazon est l'empereur du commerce en ligne, avec un chiffre d'affaires en 2017 de 178 milliards de dollars, un bénéfice net de 3 milliards de dollars et une position de trésorerie de 20,5 milliards de dollars. En 2017, pour les fêtes de fin d'année, c'est par le site d'Amazon qu'ont transité 89 % du total des ventes en ligne des principaux distributeurs. Quant aux prévisions, elles sont encore plus évocatrices. Les analystes prévoient un chiffre d'affaires de 535 milliards de dollars en 2023.

À quoi tient le succès d'Amazon ?

Amazon compte trois grands pôles d'activité : l'Amérique du Nord (avec Whole Foods, soit 60 % du chiffre d'affaires), l'International (notamment le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon, 30 %) et AWS (Amazon Web Services, services en Cloud 10 %).

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La division Retail services d'Amazon - commerce en ligne, ventes pour compte de tiers (Fulfilled By Amazon), Amazon Prime et Amazon Echo (les nouveaux haut-parleurs intelligents)- représente 90 % du chiffre d'affaires de l'entreprise... et elle est déficitaire. 

Ce n'est un problème que si on veut vraiment réaliser des bénéfices. Or pour Jeff Bezos, il est essentiel de réinvestir systématiquement les revenus pour assurer la croissance future et cette approche est payante. Les investissements dans les infrastructures de distribution d'Amazon permettent des économies d'échelle qui l'aident à réduire à la fois ses frais de transport et ses prix. Cela renforce l'attractivité du programme de fidélité Prime et facilite les ventes pour compte de tiers. Un bel exemple du schéma de Jeff Bezos en action !

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Le commerce en ligne, qui reste la première activité d'Amazon, a encore un très net potentiel de croissance puisqu’il ne représente encore que 9 % du chiffre total des ventes au détail aux États-Unis (cf. aussi l'article de Cadelam en page 26). Et pourtant, l'entreprise ne se limite pas à la vente en ligne. Il y a quelques années, elle a racheté une chaîne de librairies traditionnelles et un marché du frais à Seattle. Avec l'acquisition de Whole Foods (USD 13,7 milliards) en août 2017, l'entreprise s'est étoffée d'un coup de 460 magasins. L'intégration connaît encore quelques maladies de jeunesse, mais selon toute vraisemblance, Amazon parviendra à valoriser son expertise. Aujourd'hui, Foods Physical Stores représente moins de 5 % du chiffre d'affaires.

L'importance des ventes pour compte de tiers augmente d'année en année. La part des tiers dans le volume de marchandises vendues et payées est passée de 26 % en 2007 à plus de 50 % en 2017. Contre rémunération, les petits distributeurs en ligne utilisent la plate-forme d'Amazon et son expertise dans le traitement des opérations, le stockage et le transport.

Chiffres clés en 2017

 Chiffre d’affaires (milliards de dollars)  178
 Bénéfice net (milliards de dollars)  3
 Position de trésorerie (milliards de dollars)  20,5
 Nombre d’employés  560 000
 Nombre d’envois par seconde  35
 Nombre de visiteurs uniques par minute  4 310

Source : Amazon

Le programme Amazon Prime, lancé en 2015, a été une excellente idée. En 2018, il compte environ 100 millions de membres, soit l'équivalent de 2 ménages sur 3 aux États-Unis. Ces membres dépensent annuellement près de 1 300 USD, soit le double des non-membres. Depuis 2015, Amazon organise chaque année un Prime Day, un festival des remises qui se traduit pour ses membres par des centaines de milliers de bonnes affaires. En 2017, les ventes du Prime Day ont progressé de 20 %. Cette année, Amazon a prolongé cette action promotionnelle, à 36 heures au lieu de 30, et l'a également étendue à Whole Foods. Bien sûr, l'entreprise ressent aussi l'effet des promotions de ses concurrents, comme eBay, qui propose des transactions analogues, sans carte de membre. Amazon met tout en œuvre pour que le consommateur puisse faire ses achats plus aisément et plus vite. La société propose désormais la livraison à domicile par drone, le lecteur de livres électroniques Kindle, l'assistant numérique Alexa et les haut-parleurs Echo.

Cela dit, le véritable moteur des revenus d'Amazon, est de loin Amazon Web Solutions. Cette division offre des produits et des services de Cloud (sauvegarde, bases de données, puissance de calcul, etc.) à des entreprises désireuses de développer des applications fiables, sécurisées, évolutives et flexibles. À côté de géants comme Netflix, qui diffusent des millions d'heures de vidéo en streaming par jour, Amazon compte parmi ses clients de petites start-up aux besoins informatiques minimes. Les chiffres sont spectaculaires : depuis 2015, le chiffre d'affaires de la division AWS a progressé de 465 %, et son bénéfice de 614 %. Amazon reste fidèle à sa stratégie : des prix toujours plus bas, toujours plus de fonctions et toujours plus d'efficacité. Jeff Bezos espère surpasser d'autres géants tels que Microsoft (Azure), Google et Alibaba sur ce marché au gigantesque potentiel.

 

Résultats par division - AWS

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Réinvestir pour assurer la croissance future

Amazon investit sans cesse pour bétonner sa croissance future. Les investissements d'Amazon en infrastructures de distribution ne sont qu'un exemple parmi d'autres. Récemment, Amazon s'est lancé dans les contenus, en achetant notamment les droits d'importantes compétitions sportives. L'entreprise investit aussi massivement, en informatique et en technologie. Près de 7 % de son chiffre d'affaires provient de services IT, contre 1,7 % chez les distributeurs traditionnels. Le Big Data et l'intelligence artificielle améliorent l'efficacité de ces processus et de ces systèmes et rendent l'expérience client plus agréable. La société utilise des algorithmes à de nombreuses fins différentes : prévoir la demande de produits, classer les produits dans les résultats de recherche, recommander certains produits ou certaines bonnes affaires, développer des stratégies de produits, détecter les fraudes, produire les traductions, etc.

« Amazon investit sans cesse pour bétonner sa croissance future. »

Ce qu'Amazon ne développe pas en interne, il se l'approprie par le biais d'opérations de fusions et acquisitions. Si Whole Foods Market a été la plus importante acquisition réalisée en 2017, le géant s'est récemment diversifié dans la distribution pharmaceutique (acquisition de Pillpack), les soins de santé et l'approvisionnement des hôpitaux en produits médicaux. Enfin, pour rester au top technologique, Amazon organise une veille de marché très assidue. Ainsi, l’entreprise a acquis récemment un spécialiste des technologies de recherche (Graphiq) pour améliorer Alexa, mais aussi Blink Home, un producteur de sonnettes de porte, pour mieux mettre au point son service de livraisons à domicile.

Une machine à générer du cash

Malgré ces investissements massifs, l'entreprise ne souffre pas du syndrome Tesla qui brûle son cash à toute vitesse. Bien au contraire. Fin 2017, Amazon disposait d'une montagne de liquidités (20,5 milliards de dollars) grâce à ses activités opérationnelles . Selon Morningstar, le délai qui s'écoule entre la vente d'un produit et le paiement au fournisseur avoisine les 80 jours. Injecter des capitaux frais ? Inutile. La dernière fois que l'entreprise a fait appel aux marchés des capitaux, c'était en 2003. Et c'est ça qui fait d'Amazon un outil remarquablement agile : dès qu'une opportunité apparaît, elle peut agir immédiatement, sans devoir se tourner vers Wall Street. Un rêve hors d'atteinte pour Elon Musk...

Il n'est donc guère étonnant que le graphique qui retrace le cours du titre Amazon pointe systématiquement vers le haut. N'y a-t-il donc aucun risque ? Bien sûr que si. Un empire tel qu'Amazon s'expose de plus en plus au risque d'intervention réglementaire des pouvoirs publics. Par ailleurs, sur certains marchés aux perspectives de croissance et aux marges élevées, la concurrence est féroce. Quant aux acquisitions, si bien réfléchies soient-elles, leur intégration dans le cadre strict d'Amazon nécessite beaucoup de temps et d'attention. Amazon n'échappe pas à la règle commune : rien ne peut pousser jusqu'au ciel. Cela étant, le ciel paraît encore loin. Jusqu'ici, les sceptiques ont eu tort.

« Fin 2017, Amazon disposait d'une montagne de trésorerie d’USD 20,5 milliards. »

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Sources : Bloomberg, rapports annuels
* Les données relatives à Cisco couvrent la période du 27 janvier 2017 au 28 janvier 2018.

Valorisation

D'après le consensus des analystes de Bloomberg, le cours d'Amazon (à la date du 31 août) représente un rapport cours/bénéfice 2018 de 56. En véritable entreprise de croissance « pur jus », Amazon ne distribue pas de dividende, préférant les rachats d'actions (à hauteur d’USD 5 milliards en 2016).

Des 51 analystes qui suivent le titre, il y en a 47, pour l'instant, qui le recommandent à l'achat, et 3 qui émettent la recommandation « conserver ». Seul un analyste conseille de vendre.

Fiche technique Amazon (Nasdaq AMZN U)

 Cours en USD (31/08/2018)   2 012,7
 Nombre d'actions (en millions)  487,7
 Capitalisation boursière (en milliards d’USD)  981,7
 Plus bas / plus haut des 12 derniers mois  931,7 - 2 025,6
 Volume journalier (en millions)  4,7
 Évolution du cours en 2017 et 2018
(jusqu'au 03/08/2018)
 + 56 % / + 72 %
 Rapport cours-bénéfice 2018e et 2019e 75,4 / 55,8
 Rendement de dividende brut 2018e  0,0 %

Source : Bloomberg

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