Sociétés familiales : nouvelles règles pour la transmission en donation et en succession à partir de 2026
- 14 novembre 2025
Depuis quelques temps, la Région flamande prépare une réforme du régime fiscal préférentiel applicable à la transmission (par donation ou succession) de sociétés familiales. Le 24 octobre, le Gouvernement flamand a approuvé la version finale du projet de décret-programme lié au budget 2026 (ci-après le « Projet de décret Budget 2026 »). Ce texte confirme que les sociétés familiales pourront continuer à profiter, sous certaines conditions, d’un tarif avantageux lors d’une donation ou d’une succession. Cependant, à partir de 2026, de nouvelles dispositions excluront les biens immobiliers résidentiels de ce régime avantageux. En revanche, les sociétés immobilières actives pourront, sous réserve de conditions spécifiques, continuer à bénéficier de ce tarif favorable.
Qu’est-ce que le régime de faveur ?
Le régime de faveur permet de transmettre, à un taux préférentiel, les actions1 d’une société familiale ou une entreprise2 familiale dont le siège de direction effective se situe dans un État membre de l’Espace économique européen, pour autant que l’entreprise ou la société remplisse un certain nombre de conditions. Ce régime vise à assurer la continuité de la société après la transmission des actions, que celle-ci ait lieu par donation ou par décès.
Les trois Régions belges disposent chacune de dispositions spécifiques, ce qui entraîne des différences de règlementation selon la Région concernée. Dans le cadre de la présente publication, nous nous concentrons ici sur le régime applicable en Région flamande3.
Lorsqu’une société qualifie de « société familiale », ses actions peuvent être données à 0 % (au lieu de 3 %) ou être soumises, au décès, à un taux unique de 3 % de droits de succession en ligne directe (au lieu des taux progressifs habituels pouvant atteindre 27 % en ligne directe).
2 Par « entreprise », nous entendons une activité exploitée de manière personnelle, par exemple, une entreprise individuelle. Nous n’entrons pas davantage dans ce sujet dans le présent article.
3 La Région compétente n’est pas celle où la société a son siège mais celle où l’actionnaire (futur donateur ou défunt) a résidé le plus longtemps au cours des cinq années précédant la donation ou l’ouverture de la succession.
Quelles sociétés sont concernées ?
Ce régime s’adresse aux sociétés exerçant une activité économique, et employant de préférence du personnel4 . L’objet social doit porter sur une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou une profession libérale, et cette activité doit effectivement être exercée. Les sociétés de gestion pures et les sociétés immobilières (par exemple, celles qui se limitent à la location de biens résidentiels) sont exclues, et l’ont d’ailleurs toujours été.
En outre, l’octroi de ce taux préférentiel est subordonné au respect de conditions spécifiques.
La condition de participation
La condition de participation reste inchangée dans la cadre de la nouvelle réglementation. Ainsi, vous devrez toujours détenir, avec votre partenaire et/ou votre famille, au moins 50 % des droits de vote dans la société.
Une participation de 30 % peut également suffire :
- Si vous détenez au moins 70 % des droits de vote dans la société avec un autre actionnaire et sa famille.
- Ou si vous détenez au moins 90 % des droits de vote dans la société avec deux autres actionnaires et leurs familles.
Il est important de préciser que les autres actionnaires dont il est question ci-dessus ne peuvent être des personnes morales. Il doit donc nécessairement s’agir de « personnes physiques ».
La condition d’activité
En outre, le régime de faveur ne s’applique qu’à la transmission d’actifs d’entreprises et d’actions (ou certificats) de sociétés participant réellement à la vie économique. Cela concerne les sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou une profession libérale.
Pour les sociétés familiales, cette activité doit être clairement définie dans les statuts et être effectivement exercée. Cette condition a longtemps été source d’incertitude, en raison des interprétations strictes de l’administration fiscale flamande (VLABEL). Le nouveau décret vise donc à clarifier cette situation.
Tout d’abord, le décret entend supprimer la référence aux paramètres présumant une absence d’« activité économique réelle ». En effet, jusqu’à présent, une société était exclue du régime si :
- ses frais de personnel représentaient moins de 1,5 % de l’actif total (poste 61 du bilan), et
- les « terrains et bâtiments » (poste 22 du bilan) représentaient plus de 50 % des actifs totaux.
Toutefois, s’il était démontré que les biens immobiliers n’étaient pas affectés à des fins privées et étaient effectivement utilisés dans le cadre de l’activité (par exemple, des bâtiments professionnels), la preuve contraire pouvait être apportée et la société pouvait donc qualifier de société familiale.
Cette présomption d’inactivité est supprimée dans le « Projet de décret Budget 2026 », car elle pouvait entraîner des abus. Dans le passé, les sociétés « mixtes » – qui exerçaient une activité qualifiante et détenaient également de biens résidentiels – ont en effet fait l’objet de nombreuses discussions. En l’espèce, VLABEL excluait injustement ces sociétés du régime de faveur.
Dans le célèbre « Arrêt Boucherie » rendu en 2023, VLABEL a été désavoué. Ainsi, la Cour constitutionnelle a jugé que la présence de biens immobiliers « privés » dans une société active ne pouvait pas constituer un obstacle à la transmission d’actions dans le cadre du régime de faveur.
Autre changement important : les biens immobiliers utilisés ou destinés à l’habitation, y compris les terrains à bâtir, seront désormais exclus du régime de faveur. En outre, si une holding détient au moins 10 % des actions5 d’une filiale possédant de tels biens, leur valeur sera également exclue. Cette exclusion s’applique tant au niveau de la holding qu’au niveau des filiales, ce qui engendrera des défis administratifs importants. La valorisation de ces actifs exclus sera également complexe.
La version initiale du décret du 3 octobre prévoyait une exclusion totale des biens résidentiels. Le « Projet de décret Budget 2026 » prévoit toutefois un assouplissement important pour les sociétés dont l’activité porte sur le développement, la location ou la vente de biens immobiliers, qu’ils soient commerciaux ou résidentiels. Cette mesure est positive car ces sociétés créent une réelle valeur ajoutée pour l’économie.
Si les conditions suivantes sont remplies, les « sociétés immobilières actives » seront donc également considérées comme des sociétés familiales :
- Au moins 75 % du chiffre d’affaires doit provenir d’activités liées à l’immobilier résidentiel ;
- Au moins un membre du personnel doit être inscrit à temps plein sur le payroll de la société pendant les trois années qui précèdent et qui suivent la transmission.
Des incertitudes subsistent toutefois, notamment sur la définition du « chiffre d’affaires » (s’agit-il des revenus locatifs bruts, des marges locatives nettes, des revenus de vente et/ou des plus-values réalisées ?). Le calcul du seuil de 75 % pour les sociétés mixtes (immobilier résidentiel et commercial) n’est pas non plus clair. Ces zones d’ombre pourraient ainsi conduire à l’exclusion de certaines sociétés professionnelles de ce régime. Il est donc souhaitable que ces points soient rapidement précisés dans la loi, afin d’éviter une nouvelle vague d’interprétations divergentes.
La condition de continuité
Pour bénéficier du maintien du régime fiscal favorable, plusieurs conditions doivent également être respectées dans les trois années qui suivent la donation ou le décès :
- Le maintien d’une « activité ininterrompue » ;
- L’établissement et la publication d’un bilan (consolidé) ;
- Le maintien du siège dans l’Espace économique européen.
Ces conditions restent globalement inchangées.
Toutefois, une clarification importante a été apportée concernant les sanctions en cas de réduction de capital ou des fonds propres durant la période requise. Par le passé, VLABEL appliquait une méthode de calcul discutable pour le redressement fiscal et qui a finalement été invalidée par la Cour de Cassation.
Désormais, en cas de réduction de capital ou des fonds propres, le montant nominal de la réduction de capital ou de la distribution sera imposé aux taux normaux des droits de donation ou de succession. Cette évolution renforce la sécurité juridique pour les contribuables.
Concrètement
À l’avenir, il restera possible de demander une attestation préalable auprès de VLABEL, afin d’obtenir une confirmation de l’application du régime favorable.
Un changement important est toutefois prévu : la société devra désormais obligatoirement être évaluée par un réviseur d’entreprise ou un expert-comptable certifié. Cette évaluation devra distinguer :
- La part de la valeur correspondant à l’immobilier résidentiel, qui sera imposée aux taux normaux ;
- La part de la valeur restante, qui pourra bénéficier du régime de faveur et être transmise par succession ou donation à un taux réduit.
Au moment de la demande d’attestation ou de l’application dans la déclaration de succession, le rapport d’évaluation ne pourra dater de plus de 30 jours6. VLABEL disposera ensuite d’un délai de 60 jours (au lieu de 90) pour délivrer l’attestation. Celle-ci sera valable 60 jours à compter de la décision finale.
Qu’est-ce que cela signifie pour votre société ? Faut-il agir rapidement ?
Si votre société détient une part importante d’immobilier résidentiel tout en exerçant une activité économique, vous pouvez envisager une donation avant la fin de l’année afin de bénéficier du régime fiscal actuel. Attention toutefois : il est probable que les nouvelles demandes ne soient plus traitées cette année, en raison des délais de traitement. Il est donc important d’analyser votre situation en détails, en concertation avec votre expert-comptable et/ou votre notaire.
Il est possible de procéder à une donation sans attestation, en demandant l’application du régime favorable dans l’acte. Toutefois, si VLABEL estime par la suite que les conditions ne sont pas remplies, les droits d’enregistrement au taux normal de 3 % (droits de donation) seront exigibles.
Comme le dit le proverbe : rien ne sert de courir. Accélérer une donation uniquement pour des raisons fiscales n’est pas toujours judicieux. En effet, de nombreuses sociétés pourront encore bénéficier du régime à l’avenir. En outre, l’immobilier résidentiel sera certes taxé à un taux de 3 % de droits de donation mais cela reste avantageux en comparaison avec les droits de succession qui peuvent atteindre 27 %.
Une planification durable, qui tient compte à la fois des aspects familiaux et fiscaux, demeure selon nous la voie la plus prudente pour transmettre votre patrimoine à la génération suivante.
Vous avez des questions sur ce que ces changements impliquent pour vous ? Votre chargé(e) de relation reste à votre disposition pour en discuter.
Restez informé(e)
Suivez Delen Private Bank sur les réseaux sociaux et consultez nos récentes publications.