Cadeau de Noël ou donation – nos conseils pour offrir en toute sérénité
- 25 novembre 2025
- Juridique
Noël, un anniversaire ou un bon bulletin… Les occasions ne manquent pas pour gâter ses proches en leur donnant un petit « coup de pouce » financier. Il s’agit souvent de montants modestes, qui ne suscitent aucune attention, pas même celle du fisc. Toutefois, que se passe-t-il si vous offrez une somme plus importante à votre enfant ou petit-enfant, à votre partenaire ou à un autre membre de votre famille ? À partir de quand ce geste constitue-t-il plus qu’un simple cadeau, et attire-t-il l’attention de l’administration fiscale ? À l’approche des fêtes, nous vous proposons quelques conseils pratiques pour éviter les discussions et les mauvaises surprises.
Les donations manuelles ou bancaires sont des méthodes courantes pour transférer de l’argent à ses enfants ou petits-enfants. Ces techniques consistent à leur remettre l’argent physiquement ou à transférer une somme d’argent sur leur compte, souvent sans formalités.1 Tant que ces donations ne sont pas enregistrées spontanément, elles sont en principe exonérées d’impôts. Vous devez toutefois « survivre » cinq ans2 à ce don manuel ou bancaire. En effet, la loi prévoit que les biens donnés par une personne dans les cinq années précédant son décès, et pour lesquels aucun droit de donation n’a été payé, sont considérés comme faisant partie de sa succession. Dans une telle hypothèse, le donataire devra alors payer des droits de succession sur ces biens.
Toutefois, tous les cadeaux ne sont pas considérés comme des donations par l'administration fiscale. Certains sont qualifiés de « présents d’usage » lorsqu’ils sont liés à un événement particulier. Ils présentent ainsi l'intérêt de ne pas être taxés, même si le donateur décède peu après.
1 Il est toutefois préférable, lors d’un don manuel ou d’un don bancaire, de rédiger un écrit dans lequel vous confirmez explicitement qu’il s’agit d’une donation et dans lequel vous pouvez inclure quelques modalités simples (par exemple, une clause de retour conventionnel). En outre, en envoyant un exemplaire de cet écrit par courrier recommandé au donataire, vous disposez d’une date (semi) certaine.
2 La Région de Bruxelles-Capitale a prolongé le délai de survie de trois à cinq ans pour les donations mobilières non enregistrées effectuées à partir du 1er janvier 2026. Pour les donations non enregistrées réalisées avant cette date, le délai de survie de trois ans reste applicable.
Quand parle-t-on d’un présent d’usage ?
Il n’existe pas de définition légale du présent d’usage. Ni le législateur ni l’administration fiscale ne se prononcent clairement, mais la pratique et la jurisprudence offrent quelques repères :
- Une occasion particulière
Le présent doit être donné à l’occasion d’un événement particulier où il est d’usage d'offrir des cadeaux, comme un anniversaire, une naissance, un baptême, un mariage, Noël ou le Nouvel An. - Une valeur raisonnable
Le présent ne doit pas avoir une valeur excessive et doit être proportionné à la situation financière du donateur. Il n’existe pas de seuil légal précis, mais en pratique, on considère souvent que le montant total annuel de tous les présents d’usage ne doit pas dépasser 1 % de votre patrimoine total (mobilier et immobilier). Certains se basent sur le principe de « raisonnabilité » et vérifient si le cadeau n’est pas excessif au regard de la fortune du donateur. Ainsi, si vous offrez une voiture de sport à votre petit-fils préféré, alors que ce cadeau est disproportionné par rapport à votre patrimoine, un tel cadeau ne sera probablement pas considéré comme un présent d’usage. - Une certaine régularité
La fréquence joue également un rôle. Si vous offrez chaque année un montant à l’occasion d’un anniversaire ou d’une fête, l'administration fiscale aura plus tendance à considérer cela comme un présent « habituel ». En revanche, si vous distribuez une somme importante juste avant votre décès, sans que cela ne s’inscrive dans un schéma régulier, l’administration pourrait contester ce présent.
Si votre cadeau respecte ces conditions, il y a de fortes chances qu’il soit considéré comme un présent d’usage.
Assurez-vous que votre présent correspond à l’occasion, qu’il n'est pas excessif et qu’il s'inscrit dans vos habitudes.
Différences fiscales et successorales entre présent d’usage et donation
Il existe des différences importantes, tant sur le plan fiscal qu’en matière de droit successoral, entre un présent d’usage et une « véritable » donation.
- Pas de droits de succession
Un don manuel ou bancaire classique (par lequel de l’argent est donné en dehors d’une occasion particulière) n’est en principe3 pas soumis à des droits de donation. Toutefois, si le donateur décède dans les cinq ans qui suivent la donation (la période dite « suspecte »), le donataire devra s’acquitter de droits de succession sur le montant donné.
Les présents d’usage, en revanche, ne sont jamais imposés4, même si le donateur décède pendant la période suspecte. En d’autres termes, ils ne doivent donc jamais être repris dans la déclaration de succession, même lorsque le donateur décède quelques jours après avoir offert le cadeau. - Pas d’impact sur la liquidation et le partage de la succession
Les présents d’usage ont un caractère définitif et ne sont pas pris en compte lors de la liquidation et du partage de la succession. En Belgique, les enfants et le conjoint survivant ont toujours droit à une part minimale de la succession – la réserve héréditaire.
Pour la calculer, on tient compte non seulement des biens (résidence principale, mobilier, comptes bancaires) présents au moment du décès de la personne concernée, mais aussi des donations effectuées de son vivant (y compris les donations manuelles et bancaires). Cela permet d’éviter de fragiliser les droits réservataires des enfants et du conjoint.
3 Sauf si la donation est présentée spontanément à l’enregistrement et que les droits de donation sont payés.
4 Sauf si vous faites tout de même enregistrer le présent d’usage. Dans une telle hypothèse, il sera effectivement considéré comme une donation au sens juridique du terme.
Un présent d’usage ne joue aucun rôle dans le partage ultérieur de votre succession, mais bien une ‘vraie’ donation.
Les présents d’usage ne sont pas pris en compte dans ce calcul. Vous pouvez donc offrir un petit extra à un enfant, à un petit-enfant ou à une personne de votre entourage sans que vos héritiers ne puissent s’y opposer. Soyez attentif : si un autre héritier estime que le cadeau est excessif et le conteste, et que le juge le requalifie en donation, ce présent sera bel et bien pris en compte, et les règles du rapport devront finalement être appliquées.
Veuillez également noter que les présents d’usage entre époux sont toujours définitifs, contrairement aux donations « classiques » entre époux qui peuvent être révoquées5 à tout moment (sauf si elles sont reprises dans le contrat de mariage).
Si vous souhaitez assortir votre donation de conditions, charges ou modalités – comme une clause de retour ou une rente périodique – il est préférable de formaliser votre donation.
Offrir en toute sérénité : quelques conseils
Les présents d’usage ne nécessitent aucune forme particulière. Vous pouvez donc remettre, en toute sérénité, une enveloppe avec de l’argent pour Noël ou pour un anniversaire.
Cependant, nous déconseillons généralement les cadeaux en espèces, surtout lorsqu’il s’agit de montants importants6. Un virement bancaire est plus pratique et plus facile à prouver en cas de besoin.
Indiquez clairement l’occasion dans la communication du virement, par exemple en ajoutant « Bonne année » ou « Joyeux anniversaire ». Cela permet de montrer qu’il s’agit d’un présent d’usage. N’utilisez jamais le mot « donation », au risque que l'administration fiscale considère que votre cadeau constitue une véritable donation.
Quand le fisc s’en mêle-t-il ?
Vous pensez peut-être que l'administration fiscale ne remarquera jamais ces présents d’usage. Pourtant, ces situations sont plus fréquentes qu’on ne le croit, notamment lors de conflits familiaux autour d’une succession. Si un héritier soupçonne qu’un autre a été favorisé, il peut tenter de faire requalifier un cadeau de grande valeur en une véritable donation. Si cette requalification aboutit, le cadeau devra être rapporté à la succession, de sorte que les autres héritiers recevront également leur part.
En outre, si l'administration en prend connaissance, cette requalification peut aussi avoir des conséquences fiscales. Il est donc conseillé de traiter tous les enfants et petits-enfants de manière équitable lors de la distribution de présents d’usage. De cette façon, vous faites uniquement plaisir à vos proches – et non au fisc.
Sachez également qu’après votre décès, l’administration fiscale peut elle-même ouvrir une enquête bancaire si elle soupçonne que de l’argent a disparu dans les cinq années précédant votre décès. Cela peut arriver, par exemple, si vous avez vendu un bien immobilier peu avant votre décès et que le produit de la vente ne figure plus sur vos comptes. Si l’enquête révèle que vous avez effectué des virements importants ou des retraits en espèces, le fisc peut les considérer comme de « véritables » donations et vos (petits-)enfants devront alors payer des droits de succession.
Conclusion
Offrir un cadeau à ses proches est un geste empreint de générosité et d’affection, particulièrement en période de fêtes. Toutefois, lorsqu’il s’agit de montants plus conséquents, il est essentiel de veiller à ce que cette attention conserve son caractère de simplicité et ne soit pas interprétée comme une donation déguisée.
En respectant quelques principes de bon sens (adapter le montant à l’occasion, veiller à la proportionnalité par rapport à votre patrimoine, et maintenir une certaine régularité dans vos gestes), vous pouvez continuer à faire plaisir en toute sérénité. Une communication explicite du motif du cadeau lors d’un virement bancaire, par exemple, contribuera à en préserver la nature.
Chez Delen Private Bank, nous savons que la transmission de votre patrimoine ne se limite pas à des chiffres : elle reflète vos valeurs, vos liens familiaux et vos intentions. N’hésitez pas à solliciter votre chargé(e) de relation pour vous accompagner dans vos projets de transmission. Ensemble, nous veillerons à ce que vos gestes de générosité s’inscrivent dans une planification patrimoniale harmonieuse et fiscalement sereine.
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