Bourse et économie

Les banques sur la sellette – une nouvelle crise bancaire en vue ?

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La chute de Silicon Valley Bank (SVB) aux États-Unis a suscité une vigilance accrue quant à l’état de santé du secteur bancaire à travers le monde. Les investisseurs se souviennent comment les problèmes rencontrés par Lehman Brothers en 2008 se sont propagés par-delà l’Atlantique et ont mis les banques du monde entier dans une situation délicate. Quel est le risque que la chute de quelques banques régionales entraîne le secteur bancaire mondial dans une nouvelle crise ? Nous estimons que ce risque est plutôt faible. D’abord parce que les causes des problèmes rencontrés par des banques comme SVB et Credit Suisse sont très spécifiques. Et ensuite parce que les banques centrales ont cette fois réagi immédiatement et de façon déterminée. La situation est donc à bien des égards différente de ce qu’elle était en 2008. Mais nous restons bien entendu vigilants. Dans cet article, nous analysons les causes et les conséquences de ces récents événements pour le secteur ainsi que leur impact sur votre portefeuille.

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La chute de Silicon Valley Bank

Silicon Valley Bank a été mise en difficulté ces dernières semaines en raison d’un bank run, un phénomène de panique bancaire qui pousse les clients à retirer massivement leurs avoirs.

Il s’agit d’une banque locale de niche (la 16e plus grande banque américaine, avec un bilan de 212 milliards de dollars) spécialisée dans le financement de jeunes entreprises technologiques. À la différence des particuliers (qui laissent généralement leurs avoirs dans la même banque pendant une longue période), ces entreprises déplacent rapidement leurs liquidités d’une banque à l’autre en fonction des conditions financières et économiques.

Les entreprises technologiques pouvant avoir accès à des capitaux frais par le biais du capital-risque pour financer leur croissance et leurs investissements, Silicon Valley Bank a connu un afflux massif de capitaux ces dernières années (de 100 milliards de dollars fin 2020 à près de 200 milliards début 2022). Avec ces capitaux, SVB a fait du crédit (74 milliards de dollars fin 2022) mais aussi investi dans des obligations d’État américain à long terme et des prêts hypothécaires (120 milliards de dollars fin 2022).

Or la hausse significative et soudaine des taux d’intérêt au cours des derniers mois a entraîné une forte décote (d’environ 16 milliards de dollars) des obligations dans lesquelles SVB avait investi. Parallèlement, les sociétés de capital-risque ont réduit leur offre de capitaux, et les entreprises technologiques ont dès lors dû puiser dans leurs réserves de liquidités déposées auprès de SVB. Celle-ci a été contrainte de vendre une grande partie de ses obligations à perte. Un paquet de 24 milliards de dollars a ainsi été vendu pour une valeur de 21,5 milliards à Goldman Sachs au cours du premier trimestre. Lorsque la banque a annoncé une levée de fonds pour consolider son bilan, les clients se sont précipités en masse afin de retirer leurs avoirs (la veille de la chute de SVB, pour un montant de 42 milliards de dollars !), lui portant ainsi un coup fatal.

Cette semaine, HSBC a racheté la branche britannique de Silicon Valley Bank pour une livre sterling symbolique. Elle a injecté dans la foulée 2 milliards de livres pour assurer son fonctionnement.

Dans le sillage de SVB, d’autres banques ont connu des problèmes. Silvergate (bilan de 11 milliards de dollars) s’est retrouvée en redressement judiciaire, et Signature Bank (110 milliards de dollars) est tombée en même temps que SVB tandis que First Republic (213 milliards de dollars) a reçu 30 milliards de dollars en provenance de grandes banques américaines après que la Fed et JP Morgan y ont injecté 70 milliards.

La fragilité de Crédit Suisse suscite la panique

De son côté, Crédit Suisse est sous pression depuis déjà un certain temps en raison de scandales, d’enquêtes pour blanchiment d’argent et d’autres revers. Assez d’éléments pour rendre l’institution helvétique vulnérable en période de turbulences financières. La semaine passée, la banque a dû reporter la publication de son rapport annuel parce que la SEC (le régulateur américain du secteur) avait encore des questions complémentaires. Le rapport a finalement dû être assorti d’une mise en garde stipulant que les contrôles internes n’avaient pas pu être menés à bien correctement.

20230317Credit suisse in Zurich

Cette semaine, son principal actionnaire (Saudi National Bank qui détient 10 % de son capital) a annoncé qu’il n’injecterait pas de capitaux supplémentaires dans Crédit Suisse. Les investisseurs s’interrogent donc sur la liquidité et la solvabilité de la banque, comme en témoigne l’envolée des Credit Default Swaps, des instruments de couverture sur événement de crédit. Pour couvrir le risque de faillite de la banque, les investisseurs exigeaient une rémunération annuelle de 4 % le 10 mars dernier mais, le 15 mars, ce taux s’est envolé à près de 10 %. Si la banque suisse devait vaciller, cela serait beaucoup plus problématique car il s’agit s’une banque systémique (la 23e au monde), avec une grosse position en produits dérivés (plus de 14 trillions de francs suisses) relatifs à celle-ci.  

Après une journée boursière chaotique, la Banque nationale suisse est venue à la rescousse de Crédit Suisse mercredi soir en lui accordant un prêt (contre collatéral) de 50 milliards de francs suisses (CHF). De quoi permettre à Crédit Suisse de disposer de liquidités nécessaires et d’apaiser la situation. Dans la foulée, elle a annoncé son intention de racheter ses dettes à concurrence de 3 milliards de CHF.

Les actions reculent, les obligations anticipent la baisse des taux

Les marchés boursiers ont particulièrement souffert de ces événements, notamment les actions du secteur bancaire (-9 % en une semaine). La principale crainte étant que d’autres banques américaines soient également mises en difficulté et que le phénomène se propage comme en 2008. Bien que la situation soit significativement différente en Europe, les événements autour de Crédit Suisse ont envenimé les choses.

Les obligations ont toutefois réagi positivement. Selon les investisseurs, les banques centrales américaine et européenne devraient abandonner leur politique stricte en matière de taux d’intérêt afin de ne pas intensifier les problèmes rencontrés par les banques.

Le sauvetage des banques centrales

La Banque centrale américaine (Fed) a réagi rapidement et fermement à l’annonce de l’agonie de SVB. Les avoirs des clients auprès de SVB ont été sécurisés, y compris les sommes supérieures au montant légalement garanti de 250 000 dollars. En 2008, la Fed est venue bien plus tard à la rescousse de Lehman Brothers. Par ailleurs, la Fed a créé un nouvel instrument (Bank Term Funding Program) permettant d’accorder des liquidités, pour une durée maximale d’un an, à la valeur nominale des obligations données en garantie (100 %, soit un cours supérieur au cours actuel de bon nombre d’obligations).

La Banque centrale suisse est également venue à la rescousse  pour soutenir le cours de Crédit Suisse ayant chuté de quelque 30 % en quelques heures. La Banque centrale européenne (BCE) a tenu bon ce jeudi 16 mars en relevant ses taux d’intérêt de 50 points de base pour les porter à 3 % comme annoncé précédemment. La volatilité sur les marchés et les inquiétudes pesant sur le secteur bancaire n’ont pas suffi pour convaincre la présidente de la BCE, Christine Lagarde, de relâcher sa lutte contre l’inflation. Elle a pris soin de rassurer les esprits : « Le secteur bancaire de la zone euro est résilient et dispose de positions de capital et de liquidités solides. » La banque centrale a déclaré qu’elle se tenait prête à réagir si besoin, qu’elle disposait des outils nécessaires pour le faire, mais qu’il n’y avait pas de raison de paniquer à ce stade.

20230317ECB

Quelle est la probabilité d'une crise financière mondiale ?

La cause de la crise que traverse SVB réside dans la composition de son bilan : elle a investi ses actifs (à court terme) dans des titres d'État (à long terme). Qu'il y ait une différence de maturité entre les deux est normal. Le fait que ce décalage soit plus marqué chez SVB que chez ses concurrents plus importants, comme JP Morgan, s'explique par la réglementation plus souple en matière de traitement comptable des portefeuilles d'obligations pour les banques régionales (plus petites). La réglementation a été assouplie sous l’administration Trump en 2018 pour les banques dont le bilan est compris entre 50 et 250 milliards de dollars.

Pour les grandes banques – et en Europe une banque est rapidement qualifiée de « grande » – il existe des réglementations très strictes sur le degré d'inadéquation entre l'échéance des capitaux que les banques reçoivent et celle des capitaux qu'elles investissent. Depuis la crise financière de 2008-2009, les autorités ont imposé des règles strictes en matière de fonds propres et de liquidité, et des stress tests (tests de résistance) ont été menés à titre préventif. Par conséquent, nous estimons que la probabilité qu'une telle crise se produise dans les grandes banques saines est plutôt faible.

L’impact sur votre portefeuille

Les portefeuilles ne contiennent pas d'actions ou d'obligations de Crédit Suisse. Ils ne sont pas non plus exposés aux banques américaines concernées ni à d'autres banques régionales (plus petites). Ils contiennent principalement des positions dans de grandes banques américaines telles que JPMorgan et Citigroup. En outre, le secteur bancaire est légèrement sous-pondéré.

Dans le secteur technologique, les portefeuilles sont principalement investis dans les grands acteurs disposant d'importants excédents de trésorerie. La baisse des taux d'intérêt due aux problèmes que traverse actuellement le secteur bancaire leur donne même un coup de pouce, car ils sont très sensibles aux fluctuations des taux d'intérêt.

De leur côté, les portefeuilles obligataires bénéficient de la récente augmentation de leur échéance moyenne (duration), ce qui les rend plus sensibles à l'effet positif de la baisse des taux d'intérêt.

Qu’en est-il de la solidité du bilan de Delen Private Bank?  

Le business model du Groupe Delen est très éloigné de celui de la SVB. Notre activité principale est la gestion de patrimoine, et les actifs sous gestion sont donc principalement constitués de fonds (le plus souvent patrimoniaux). Ces fonds sont des entités juridiques à part entière (S.A. luxembourgeoises ou S.A. belges), séparées de la Banque. Ils sont régis par la législation luxembourgeoise ou belge, et sont soumis à la surveillance stricte des autorités luxembourgeoises et belges.

Comme ces fonds sont juridiquement distincts de la Banque, un investissement dans un fonds de Delen Private Bank n'entre pas dans le bilan de la Banque. Un événement qui se produirait à la Banque n'affecterait donc pas la valeur de ce fonds.

Le Groupe Delen dispose d'un très solide bilan, tant en termes de solvabilité que de liquidité, et satisfait amplement aux exigences strictes et à toutes les règles européennes en matière de fonds propres. Le total de son bilan s’élève à environ 2,6 milliards d’euros et est essentiellement composé de ses fonds propres (1 milliard d’euros) et de dépôts (1,3 milliard d’euros). Ces moyens sont investis en crédits variables à court terme aux clients (0,9 milliard d’euros) et, pour la plus grande partie du solde, déposés en overnight auprès des banques centrales, ce qui offre un niveau de sécurité très élevé.

Si vous avez des questions sur l'évolution actuelle des marchés, n'hésitez pas à contacter votre chargé(e) de relation.

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