Protection via un testament
Vous pouvez rédiger un testament donnant la possibilité à votre conjoint de choisir lui-même le pourcentage de votre part du logement familial qu’il souhaite recevoir en pleine propriété, voire en usufruit ou en nue-propriété.
Ainsi, si votre conjoint décide, sur la base de ce testament, de recueillir l’intégralité du logement familial en pleine propriété, il en devient plein propriétaire. Cela lui permet dès lors de conserver le contrôle total sur ce bien et de prendre seul les décisions relatives à ce bien. Il peut donc vendre ce logement sans l’accord des enfants ni l’octroi à ces derniers d’une partie du prix de vente. Dans un tel scénario, le conjoint survivant dispose d’une sécurité et d’un confort maximums. En outre, vu que la part recueillie par le conjoint survivant est exempte de droits de succession dans les trois régions, l’attribution de la totalité du logement en pleine propriété permet d’optimiser au maximum cet avantage fiscal dans le chef de votre conjoint.
Par contre, s’il devient plein propriétaire du logement familial, la pression successorale à son décès augmentera3 dans sa succession s’il ne prend pas de mesures avant son décès. En outre, les enfants courent le risque de voir leur parent « dilapider » le prix de vente si celui-ci vend le logement avant son décès. Pour faire face à cette situation, vous pouvez, dans votre testament, attribuer le logement familial en pleine propriété (en partie ou totalement) à votre conjoint tout en prévoyant en parallèle un legs de residuo4 en faveur de vos enfants. Grâce à ce dernier, vos enfants recevront votre part dans le logement familial au décès de votre conjoint.
Concrètement, dans l’hypothèse où vous déteniez le logement chacun pour une moitié, seule la moitié du logement familial fera partie de la succession de votre conjoint au décès de ce dernier (et à condition que le logement familial soit toujours présent en nature dans sa succession) et sera soumise aux droits de succession. En vertu du legs de residuo, l’autre moitié ne sera quant à elle pas imposée dans la succession de votre conjoint, mais dans votre succession (une déclaration de succession complémentaire devra alors être déposée). Cette technique permet ainsi d’éviter que la totalité du logement familial soit imposée dans la succession de votre conjoint à son décès dans le chef de vos enfants.
En posant son choix, votre conjoint peut également tenir compte des souhaits des enfants de racheter ultérieurement le logement familial. Par exemple, si vous avez deux enfants, votre conjoint peut choisir de s’attribuer le logement familial en pleine propriété à concurrence de 98 %. Cette part bénéficiera alors de l'exonération des droits de succession. Les 2 % restants reviendront immédiatement aux enfants et seront imposés en leur nom en droits de succession. Ensuite, si l’un des deux enfants (ou les deux conjointement) désire(nt) racheter ultérieurement la pleine propriété des 98 % restants à un prix conforme au marché, ce rachat donnera lieu à l’application du droit de partage au lieu du droit de vente.
Or, le taux du droit de partage s’élève à 2,5 % (si le bien est situé en Région flamande) ou à 1 % (si le bien est situé en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région wallonne) et est calculé sur la valeur totale du bien en cas de sortie d’indivision totale. Il diffère du taux du droit de vente qui s’élève à 12 %5 (si le bien est situé en Région flamande) ou à 12,5 % (s’il est situé en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région wallonne). En cas de rachat par l’un de vos enfants6, l’application du droit de partage s’avère donc plus intéressante que l’application du droit de vente ou même du droit de donation en cas de donation (pouvant atteindre 27 % en ligne directe dans les trois régions).
En outre, le testament offre différents avantages :
- Il ne prend effet qu'à votre décès. Dans l’intervalle, vous pouvez donc continuer à occuper la maison familiale. De même, vous pouvez décider de la vendre, de la grever d’une sûreté (une hypothèque par exemple), voire même de la donner.
- Si votre situation personnelle devait être amenée à évoluer entre-temps, vous pouvez, dans ce cas, modifier ou révoquer votre testament.
Cependant, il est important de tenir compte des éléments suivants lors de la rédaction d'un testament :
- Si le testament est rédigé sous seing privé (testament olographe), il doit être entièrement manuscrit, daté et signé. Il ne peut donc être dactylographié. Des restrictions en matière de contenu sont également d’application.
- Vos enfants bénéficient en Belgique d’une part minimale garantie dans votre succession (« part réservataire »). En effet, ils ont toujours droit, conjointement, à la moitié de la masse de calcul7 comportant tous les biens existants au moment du décès, diminués des dettes de la succession et augmentés de toutes les donations faites du vivant – et, le cas échéant, indexées ou réévaluées. S’agissant de l’autre moitié de cette masse (appelée « quotité disponible »), vous avez la liberté d’en disposer au profit de la personne de votre choix. Si la quotité disponible est dépassée, vos enfants (ou l’un d’entre eux) peuvent demander la réduction des donations et/ou des legs qui portent atteinte à leur réserve. Cela ne s’effectue toutefois pas de plein droit.
1. Vous pouvez intégrer des dispositions dérogatoires dans un testament, une institution contractuelle dans le cadre du contrat de mariage ou hors de celui-ci, une clause d’accroissement, etc.
2. Dans cet article, par mesure de lisibilité, nous n’utilisons pas la forme inclusive. La formulation « conjoint » désigne en réalité tant une personne de genre masculin que féminin.
3. À moins que le conjoint survivant ne prenne d’autres mesures, par exemple en vendant ce logement et en faisant une donation partielle ou totale du prix de vente aux enfants, le cas échéant moyennant le paiement des droits de donation de 3 % (si le donateur est résident fiscal en Région flamande ou en Région de Bruxelles-Capitale), ou de 3,3 % (si le donateur est résident en Région wallonne).
4. Le legs de residuo se définit de manière classique comme un legs par lequel le testateur transmet tout ou partie de ses biens à un premier légataire (le « grevé », en l'occurrence votre conjoint) tout en stipulant que le solde de ces biens reviendra au décès du premier bénéficiaire à un second bénéficiaire (l’« appelé », à savoir, vos enfants dans le cas d’espèce), également désigné par le testateur.
5. Toute personne qui achète son propre logement peut bénéficier d’un tarif de 3 %, sous certaines conditions.
6. Suivant cette même optique, la vente du logement familial devient « mobilière » et accroît la nécessité de planifier la succession pour les biens mobiliers.
7. Autrefois appelée « masse fictive ».
Protection via (modification du) contrat de mariage
Si vous êtes marié sous le régime de la communauté et que le logement familial fait partie de votre communauté matrimoniale, vous pouvez prévoir une protection maximale du conjoint survivant en stipulant expressément dans votre contrat de mariage qu'au décès de l'un d'entre vous, le bien reviendra en pleine propriété au conjoint survivant.
Vous pouvez stipuler expressément dans votre contrat de mariage que le logement familial reviendra en pleine propriété au conjoint survivant.
Contrairement à la transmission du logement familial par testament mentionnée ci-dessus, les enfants ne peuvent en principe pas contester l'attribution du logement familial par le biais du contrat de mariage. En effet, le droit civil ne considère pas une telle attribution comme une donation (sauf exceptions), mais comme un avantage matrimonial à titre onéreux, de sorte que les règles de rapport, de réserve et de réduction ne s'appliquent pas en l’espèce.