Bourse et économie

L’inflation à la une

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Cette année 2022 a commencé de manière contrastée avec une forte volatilité des marchés financiers. Dans son allocution au Forum économique mondial du 21 janvier 2022, Kristalina Georgieva, la Présidente du Fonds Monétaire International (FMI), réaffirme sa confiance dans la poursuite de la reprise économique. Toutefois, elle met plusieurs obstacles en évidence : une inflation plus persistante que prévu et un resserrement monétaire inévitable alors que la crise sanitaire se prolonge et perturbe les chaînes d’approvisionnement. À cette liste, nous pouvons ajouter le conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Tensions entre la Russie et l’Ukraine

L’escalade du conflit entre la Russie et l'Ukraine pèse sur les prix de l'énergie, qui montent en flèche, et sur les marchés boursiers. Une solution diplomatique est toujours recherchée, mais le risque d’aggravation des tensions demeure. Les investisseurs doivent-ils s'inquiéter ? L’histoire nous montre néanmoins que l’impact des conflits géopolitiques est généralement aussi vif que bref, ainsi que l’illustre le graphique ci-dessous.

Impact des confits géopolitiques sur l’indice mondial MSCI AC World exprimé en euros depuis 2013

impact-des-confits-géopolitiques-FRSource : Bloomberg/Cadelam

La crise sanitaire : en voie de normalisation

La crise engendrée par le coronavirus, qui domine l’actualité depuis 2020, est-elle en passe de s’estomper ? Les consommateurs et les entreprises s’adaptent. Sur le plan économique, l'impact est plus limité, car les économies ont intégré cette donnée et les mesures gouvernementales sont à présent plus ciblées. Ainsi, l’indice de fréquentation des magasins et restaurants, en baisse de 40 % en janvier 2021 par rapport à 2019, baisse de moins de 20 % en 2022. Les réservations de vols quant à elles sont en baisse de 35 % environ, contre près de 80 % en janvier 2021. Plusieurs pays réduisent déjà les mesures sanitaires restrictives mises en place fin 2021.

Le nombre de clients dans les commerces et restaurants a baissé de près de 20 % en janvier 2022, le nombre de vols de 35 %. L'année dernière, ces chiffres se montaient à 40 % et 80 %.

La poussée d’inflation se poursuit

L’inflation est en ce moment à la une de toutes les chroniques financières. Aux États-Unis et en Europe, elle atteint respectivement 7,5 % et 5,1 %, alors qu'elle reste mesurée notamment en Asie du Sud-Est.

Cette poussée d'inflation est-elle temporaire ? Madame Lagarde, Présidente de la Banque centrale européenne (BCE), vient de la décrire comme tel, un « hump ». Elle résulte d’abord de la hausse des prix de l’énergie. La transition écologique a en effet induit un sous-investissement dans les énergies fossiles, les entreprises se focalisant sur les énergies renouvelables. À cela s’ajoute le contexte des relations géopolitiques lié aux relations entre l’Europe et la Russie. Cette dernière est en effet le principal fournisseur de gaz et de pétrole en Europe (respectivement 40 % et 20 % de part de marché). L'envolée de plus de 240 % du prix du gaz européen depuis un an en est la conséquence.

Que nous réserve l’avenir ? Les hausses des prix de l'énergie devraient se normaliser au cours de l'année 2022, tout comme les perturbations des chaînes d'approvisionnement à la suite de la crise sanitaire, un autre facteur clé de la flambée d’inflation.

Plus préoccupante est la pression à la hausse sur les salaires, qui pourrait déclencher une spirale inflationniste. La main-d'œuvre est très rare, surtout dans les pays anglo-saxons. Les augmentations des salaires sont estimées à 4,7 % aux États-Unis et à 2,8 % en Europe en données annuelles. Le risque est que ceci engendre une augmentation plus générale et durable des prix.

Évolution de l’inflation aux États-Unis et en Europe : 2008-2022

évolution-inflation-FRSource : Federal Reserve Economic Data/Eurostat

Les banquiers centraux vont appuyer sur le frein

Les injections monétaires des banques centrales aux États-Unis et en Europe sont progressivement mises à l’arrêt. Un bref récapitulatif :

  • Depuis 1977, le mandat de la Banque centrale américaine (FED) est de « promouvoir le plein emploi, la stabilité des prix et des taux d'intérêt modérés à long terme ». En l'absence d'inflation depuis 2008, la FED a appliqué une politique de taux bas et injecté des liquidités abondantes dans l’économie pour favoriser la reprise et le plein emploi. Avec succès, car le chômage est au plus bas et la croissance économique bien ancrée.
  • La pandémie a eu un grand impact sur la croissance, les taux d’inflation et d’emploi. Ce dernier demeure bas aux États-Unis : un grand nombre d'Américains ont quitté le marché du travail et renoncé à chercher un emploi. Ainsi, au contraire de l'Europe, les États-Unis n'ont pas retrouvé leur niveau d'emploi d'avant la crise.
  • La poussée brutale de l'inflation, même si elle paraît temporaire, accule la FED à inverser sa politique monétaire : elle annonce plusieurs hausses de taux, pour 2022 et 2023, l’arrêt de ses injections de liquidités à partir du second trimestre 2022, voire même la réduction de la taille de son bilan en ne réinvestissant plus les obligations qui viennent à échéance. Cette annonce de resserrement monétaire a entraîné une hausse généralisée des taux longs.
  • La BCE, quant à elle, considère que la conjoncture européenne, en retard sur le cycle américain, ne justifie pas encore de hausses de taux. Cependant, elle a décidé, elle aussi, de réduire ses injections de liquidités au cours de l'année 2022.
L'investissement en actions procure toujours un rendement réel positif

La croissance économique : allegro moderato

Après une année de croissance exceptionnelle (+5,9 %), l'économie mondiale devrait continuer sur sa lancée en 2022 et 2023, mais à un rythme plus modéré. Le FMI prévoit une croissance de 4,4 % en 2022 et de 3,8 % en 2023. Pour 2022, ces nouvelles prévisions sont en baisse en raison d'évolutions négatives récentes, surtout aux États-Unis et en Chine.

  • Aux États-Unis, à la suite de l'annonce du resserrement monétaire plus rapide que prévu et au probable refus du Sénat d'adopter le plan de relance « Build Back Better » de 1 800 milliards de dollars américains, la croissance prévue pour 2022 a été fortement revue à la baisse, de 5,2 % à 4 % (et à 2,6 % pour 2023).
  • En Chine, la politique zéro-covid induit de fortes perturbations. Le pays doit, en outre, faire face à une crise immobilière (30 % du PIB chinois), qu’illustre la faillite du développeur immobilier Evergrande, ainsi qu’à une réticence des ménages chinois à dépenser leur épargne. La croissance est donc tributaire des exportations - en forte hausse (+30 % en 2021) - et de la relance des investissements, que devrait favoriser un nouvel assouplissement monétaire. Elle est estimée à 4,8 % en 2022, 5,2 % en 2023, largement en dessous des taux de croissance auxquels la Chine nous avait habitués.
  • La croissance en zone euro, soutenue par son plan de relance « Next Generation EU » de 750 milliards d’euros, devrait atteindre 3,9 % en 2022 et 2,5 % en 2023 – s’alignant ainsi sur le taux de croissance américain. La remarquable progression de la France et de l’Italie compense la contre-performance de l’Allemagne, dont l’industrie automobile est pénalisée par le manque de composants électroniques.

Les marchés : des montagnes russes

Depuis le début de l’année, les marchés font face à une période plus mouvementée. Ils doivent en effet « digérer » un environnement dont la combinaison est inédite par rapport à celui dans lequel ils ont évolué depuis 2008 :

  • annonce par Jérôme Powell des premières hausses de taux à court terme aux États-Unis ;
  • retour du taux allemand à 10 ans (Bund) en territoire positif, après trois années de taux négatifs ; le stock total de dettes à taux négatif est passé de 30 % du montant total des émissions mondiales, fin 2020, à moins de 12 % aujourd’hui ;
  • fin de la période de « perfusion monétaire » par les banques centrales américaine et européenne ;
  • résurgence brutale de l'inflation à des niveaux inédits depuis de nombreuses décennies ;
  • menaces de conflit armé ouvert en Ukraine.

Pour des marchés amateurs de stabilité et de prévisibilité, quelques soubresauts ne devraient donc pas surprendre.

La perspective d'une hausse de taux a surtout affecté les actions technologiques et environnementales, dont la rentabilité est lointaine : leurs cash-flows positifs étant éloignés dans le temps, leur valeur actuelle est en effet fortement influencée par le niveau des taux d'intérêt (l’indice Goldman Sachs des actions technologiques non-profitables est en baisse de 50 %). De plus, des doutes se sont insinués quant à la capacité de certaines entreprises technologiques à maintenir leur taux de croissance espéré sur le long terme. Le récent recul de Facebook (Meta Platforms) en est une bonne illustration.

Au cours du mois de janvier, les marchés actions sont entrés en phase de correction (baisse de plus de 10 % par rapport au niveau le plus élevé), particulièrement sur le Nasdaq, indice qui concentre les actions technologiques. Au 14 février 2022, les indices américains Nasdaq et S&P 500 reculent respectivement de 10,52 % et de de 7,25 % et l’Europe de 4,35 % (Stoxx 600). Quant à la Chine, son indice Hang Seng a cru de 5,42 % et le Japon a vu son indice Topix reculer de 4,64 %, valeurs exprimées en euros.

Les actions, source de rendement

Les valorisations des actions restent cohérentes par rapport au niveau des taux d'intérêt et aux perspectives bénéficiaires. Après un rebond record en 2021, les bénéfices devraient encore croître de l'ordre de 8 à 9 % en 2022, dans un environnement économique qui reste porteur. Sur le long terme, il est important de considérer le rendement réel, différence entre le rendement d’un actif et l’inflation. L'investissement en actions procure toujours un rendement réel largement positif et en croissance, alors que les rendements réels des obligations sont négatifs. Leur rendement ne permet donc pas de compenser l'érosion de l'inflation.

Les annonces de resserrement monétaire ont entraîné une hausse généralisée des taux longs.

Les secousses des marchés seront probablement temporaires, les investisseurs n’ayant pas beaucoup d'alternatives s'ils veulent préserver la valeur réelle de leur patrimoine. L’idéal est d’être largement diversifié dans des valeurs solides, avec des résultats prévisibles, en évitant les investissements les plus spéculatifs. La récente dégringolade du cours du bitcoin (plus de 50 % de perte depuis le mois d'octobre 2021) en est la parfaite illustration. À mesure que les circonstances deviennent plus complexes, l'incertitude et l'aversion au risque augmentent, et la valeur de ces types d'investissement s'effondre comme un château de cartes, car ils ne reposent pas sur des fondamentaux rationnels.

L'investissement en obligations de durée moyenne reste toutefois justifié, malgré son rendement réel négatif. En effet, il devrait réduire l’impact sur le portefeuille des chocs inévitables des marchés actions et permettre ainsi à l’investisseur de conserver plus sereinement le cap de son portefeuille, avec une vue axée sur le long terme.

Cadelam, gestionnaire de fonds du Groupe, reste particulièrement attentif aux données d’inflation et à la réaction des autorités monétaires, dont l’évolution pourrait surprendre et impacter négativement les perspectives économiques, de même que les évolutions géopolitiques.

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