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Technologie : bulle spéculative ou moteur de croissance durable ?

  • 25 novembre 2025
  • Bourse et économie
Depuis plusieurs mois, les marchés financiers affichent de solides performances, portés par la progression des grandes entreprises technologiques américaines et l’enthousiasme autour de l’intelligence artificielle (IA). Inévitablement, la question d’une bulle technologique taraude les investisseurs. À première vue, la situation actuelle présente certaines similitudes avec la bulle Internet du début des années 2000, mais dans quelle mesure ces parallèles se vérifient-ils réellement ?

Bulles : entre similitudes et divergences 

« I don’t believe we’re in a bubble » a déclaré Jensen Huang, CEO de Nvidia. Car selon lui, « nous sommes en train de passer d’un ancien modèle de calcul traditionnel à une méthodologie de calcul accéléré qui est désormais capable de penser et de générer de l’intelligence pour laquelle nous sommes prêts à payer ». Qu’il s’agisse d’une révolution technologique majeure, il y a peu de doutes, tant les applications que l’IA permet sont nombreuses et déjà ancrées dans nos organisations. 

On ne peut pas non plus nier que le phénomène de bulles est inhérent aux marchés financiers. Elles se forment souvent autour d’une innovation transformatrice, qui se caractérise par un afflux massif d’investisseurs, de capitaux et de nouveaux acteurs, une hausse rapide des cours, des valorisations extrêmes et des risques systémiques accrus. 

Reste à savoir si la situation actuelle coche les cases d’une bulle. Certains éléments font écho aux bulles antérieures, tels des cours et valorisations en forte hausse, une concentration élevée du marché ou encore des investissements massifs. Cependant, il convient de relever des différences majeures telles que la croissance réelle des bénéfices sous-jacents, la solidité financière et la rentabilité des acteurs, ainsi que leur savoir-faire en la matière.

Des valorisations élevées, mais soutenues par des bénéfices solides

Aujourd’hui, les valorisations sont relativement élevées au sein du secteur technologique, comme l’indique notamment le ratio cours/bénéfices (C/B ou Price/Earnings en anglais) du S&P 500. Ce ratio – fréquemment utilisé pour évaluer les valorisations des actions, puisqu’il compare le cours des actions aux bénéfices attendus – est actuellement de 23. Il est donc certes plus élevé que sa moyenne historique, autour de 17, mais la hausse actuelle des cours et des valorisations est soutenue par la croissance des bénéfices attendus. Lors de la bulle internet de 2000, le ratio C/B du Nasdaq évoluait alors autour de 110, les bénéfices des entreprises technologiques étant faibles, voire inexistants. 

Des valorisations en hausse, mais les bénéfices aussi

D'après les bénéfices attendus pour les 12 prochains mois

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  • Bénéfice par action
  • S&P 500 ($)
  • Ratio cours/bénéfices

Source : Bloomberg

Les « Magnificent 7 » – les sept plus grandes entreprises technologiques – affichent, quant à elles, un ratio C/B de 31. Il s’agit d’un niveau élevé mais à relativiser, compte tenu de la croissance de leurs bénéfices largement supérieurs par rapport au reste du marché. Mercredi dernier, le géant Nvidia a d’ailleurs publié des résultats trimestriels exceptionnels, au-delà les attentes. Des chiffres rassurants, vu la place qu’occupe le géant américain – dont la capitalisation boursière a dépassé ponctuellement les 5 000 milliards en octobre dernier – dans l’écosystème de l’IA.

Des bilans robustes et des modèles rentables

Autre différence majeure : les leaders technologiques actuels disposent de bilans solides et de modèles économiques rentables. En effet, des entreprises telles que Microsoft, Nvidia, Apple ou Alphabet affichent des marges bénéficiaires élevées et disposent d'une trésorerie abondante qui leur permet de financer eux-mêmes leurs investissements. Leur ratio dette/fonds propres est largement négatif, ce qui indique qu'ils disposent de plus de liquidités que de dettes. À la fin des années 1990, les cash flows des leaders technologiques étaient moins confortables, ce qui obligeait les entreprises à recourir davantage au financement extérieur. Le rendement des fonds propres (ou ROE) des Magnificent 7 est également nettement supérieur, ce qui témoigne d'une utilisation judicieuse du capital et d'une rentabilité élevée. Au regard des chiffres, la croissance actuelle repose donc sur des bases solides, et non sur la spéculation.

 

 

Dettes /

Fonds propres

Rendement des fonds propres Marge bénéficiaire 
2025      
Microsoft -22% 25% 36%
Apple -11% 150% 27%
Nvidia -65% 65% 55%
Amazon -12% 18% 10%
Alphabet -17% 27% 29%
Meta Platforms -5% 26% 34%
Tesla -21% 9% 8%
Moyenne des Mag 7 -22% 46% 29%
2000      
Microsoft -63% 35% 39%
Cisco Systems -17% 22% 17%
Intel -33% 26% 25%
Oracle -61% 39% 15%
IBM 111% 39% 9%
Lucent 38% 36% 9%
Nortel Networks -3% -1% -1%
Moyenne des leaders de la tech en 2000 -4% 28% 16%

Les grandes entreprises technologiques réalisent des investissements colossaux. Mais comme les CEO de Meta et Alphabet s’accordent à le dire : dans le contexte actuel, le risque de sous-investir est considérablement plus élevé que celui de surinvestir. Cependant, elles disposent encore de beaucoup de cash. Même si certaines commencent à recourir à des capitaux externes pour financer des infrastructures d’envergure, tels des datacenters, elles restent globalement peu endettées à ce stade. Cette solidité financière réduit considérablement le risque systémique en cas d’éclatement de la bulle – si bulle il y a. Autrement dit, en cas de retournement du marché, ces entreprises disposent de réserves pour amortir le choc, sans entraîner des répercussions en cascade, dans le secteur bancaire, entre autres.

Le risque de sous-investir est considérablement plus élevé que celui de surinvestir.

De plus, la dynamique actuelle repose sur des usages concrets, et non sur des promesses en l’air. Les technologies en cours de développement sont déjà largement adoptées, dans les sphères privées et professionnelles. Les entreprises peuvent déjà opérer des changements significatifs dans leur fonctionnement et gagner ainsi concrètement en productivité. Un taux d’adoption élevé pour une technologie récente est crucial pour son avenir. 

L’IA, un écosystème à part entière

Les Big Tech pèsent plus dans le S&P 500 qu’aucun secteur ne l’a déjà fait – sauf à de très rares périodes. Cependant, ce phénomène n’est pas en soi une bulle : historiquement, les secteurs dominants (finance, industrie…) le sont restés souvent pendant des décennies sans pour autant créer une bulle.

Le secteur de l’IA est aussi dominé par un nombre restreint d’acteurs (Microsoft, Nvidia, Alphabet, Meta, Apple, Amazon, …). Le taux de concentration est élevé, mais le marché est dominé par des acteurs établis, alors que la plupart des bulles apparaissent dans des périodes de forte concurrence, attirant de nouveaux acteurs dont la crédibilité reste encore à prouver.

Une dynamique particulière se développe toutefois autour de l’IA : les acteurs sont liés entre eux au travers de partenariats et de prises de participations. À titre d’exemple, Nvidia compte investir 100 milliards de dollars dans le capital d’OpenAI. Le designer de puces électroniques fournit OpenAI, mais aussi Amazon, Oracle et Microsoft. Ce dernier détient, quant à lui, 27 % du capital de OpenAI. Le financement dit « circulaire » entre ces gros acteurs est un point d’attention auquel le marché reste attentif.

Les  partenariats sont aussi nombreux. Nvidia collabore notamment avec Eli Lilly, Uber, Nokia, CrowdStrike ou encore Stellantis. L’entreprise commence donc à avoir d’autres clients que les hyperscalers, ce qui est rassurant et prometteur. 

Un contexte macroéconomique favorable

De manière générale, le climat économique est plutôt porteur pour l’économie et les marchés. Les droits de douane effectifs s’avèrent moins élevés qu’annoncés (18 % versus 28 %), ce qui limite leur impact sur l’inflation et les marges des entreprises. Celles-ci ont publié de très bons résultats au cours des derniers trimestres. Les prévisions de croissance de l’économie mondiale se sont progressivement améliorées, après l’annonce des premiers tarifs douaniers en avril dernier.

Les prévisions de croissance pour 2025 se sont améliorées grâce aux négociations commerciales

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  • États-Unis
  • Zone Euro
Cependant, même s’il tient bon, le marché de l’emploi américain montre quelques signes de ralentissement : le nombre de créations d’emplois a diminué et le chômage a légèrement augmenté (même s’il demeure à un niveau historiquement bas). Cette dégradation relative a incité la Réserve fédérale à baisser ses taux directeurs de 0,25 % en septembre dernier. Cet assouplissement monétaire devrait stimuler davantage l’économie américaine.

Conclusion

Les valorisations actuelles sont supérieures à leur moyenne historique des dernières années, sans être comparables aux niveaux des bulles antérieures. À ce stade, elles sont justifiées à la lumière des bénéfices attendus par l’IA dont les principaux acteurs s’avèrent financièrement solides et déjà bien rentables. Tant que les résultats satisfont aux attentes et que le financement des investissements reste sain, la période d’optimisme actuel peut encore perdurer, dans un contexte macroéconomique par ailleurs plutôt porteur. La rapidité des évolutions exige toutefois une vigilance constante et une gestion des risques rigoureuse de la part de nos équipes de gestion.  

Vous avez encore des questions sur votre portefeuille ou sur les marchés ? Votre chargé(e) de relation se tient à votre disposition pour y répondre. 

Les informations présentées dans cet article ne peuvent être considérées comme des conseils en investissement ou des analyses en matière d'investissement.

Tout investissement comporte des risques. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des résultats futurs.

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suisse Insta - ARTHUR

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