En 2005, Raf Simons le présente à la Marc Foxx Gallery à Los Angeles. Rapidement, son travail est exposé par des galeries renommées à Londres et à New York. Vous pouvez aussi admirer certaines de ses œuvres au siège de Delen Private Bank à Gand. Mais Stef Driesen ne court pas après la célébrité ni la reconnaissance. Entretien à cœur ouvert avec un artiste sans ego.
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Vous n’avez pas de site internet ni de compte Instagram, et vous donnez peu d’interviews. Cherchez-vous à rester discret ?

Je suis honoré de cette interview, mais je n’ai pas besoin d’être sous les feux de la rampe. Et il se trouve que j’ai justement créé mon compte Instagram ce matin. Mais je connais peu les réseaux sociaux et ils ne m’attirent pas vraiment. J’aime laisser les choses venir à moi. Ou peut-être est-ce simplement une forme de paresse (rires). Pourtant, en tant qu’artiste, je suis très discipliné. J’ai connu des jours sombres pendant les 20 premières années de ma carrière, mais à aucun moment je n’ai envisagé d’abandonner. Pour m’en sortir financièrement, je travaillais comme peintre indépendant la première moitié de l’année pour pouvoir m’isoler dans mon atelier l’autre moitié.

Le choix d’une carrière artistique ne coule pas de source. Est-ce le destin ?

Parler de destin me semble un peu fort, mais peut-être... Je n’ai jamais vraiment réfléchi à mon choix parce qu’il m’était impossible d’envisager de faire autre chose. Enfant, je dessinais sans arrêt. Quand ma mère partait travailler comme femme de ménage, elle m’installait dans un coin avec des crayons et je m’occupais pendant des heures. Pourtant, mes parents n’ont pas été ravis lorsque j’ai voulu m’inscrire en filière artistique. Ils s’y sont opposés, mais ils ont fini par céder parce que je ne voulais plus sortir de mon lit. Le scénario s’est répété après mes études secondaires et j’ai finalement pu étudier la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Hasselt. J’y ai peu étudié l’art en tant que tel, mais j’y ai appris des techniques de peinture et, à la même époque, j’ai découvert la danse contemporaine. Au lieu des grands maîtres de la peinture, mes sources d’inspiration étaient plutôt des personnalités comme Anne Teresa de Keersmaeker et Jan Fabre, ou encore des musiciens comme Sinéad O’Connor et Björk.

Est-ce un avantage de découvrir tout par soi-même ? De créer sa propre signature en partant d’une toile vierge ?

Peut-être, mais j’enseigne aujourd’hui à PXL-MAD à Hasselt et j’essaie quand même de transmettre un maximum à mes étudiants, car j’ai dû me débrouiller seul. Grâce à des amis qui ont étudié à l’Académie de la Mode à Anvers, j’ai découvert des artistes contemporains et c’est alors qu’un monde nouveau s’est ouvert à moi.

En 2005, Raf Simons vous présente à une galerie de Los Angeles. À cette époque, il fait fureur à l’international grâce à son image avant-gardiste. Vos œuvres se sont-elles entrecroisées ?

C’était avant tout une question d’amitié, mais j’ai effectivement peint des vestes pour l’une de ses collections, en m’inspirant des pochettes d’albums de New Order. La musique était un lien fort entre nous.

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Il y a 15 ans, vous avez quitté Anvers pour Bruxelles, où vous vivez et travaillez encore aujourd’hui. La ville est-elle une source d’inspiration importante  ? Ou préférez-vous rester à l’abri dans votre atelier ?

J’ai besoin d’une ville dynamique pour compenser l’isolement inhérent à la vie d’artiste. Après une journée passée à peindre, j’aime retrouver des amis pour sortir ou manger un bout. Je m’inspire également de concerts, de pièces de théâtre et de spectacles de danse. En ce sens, je suis influencé par la vie en ville, mais cela ne détermine pas mon travail.

Aujourd’hui, vous êtes représenté par Gallery Sofie Van de Velde. Pourquoi avoir choisi une galerie à Anvers ?

Il s’agit avant tout d’un lien personnel. Sofie m’offre une importante caisse de résonance. Elle a une vision claire qui fait de sa galerie une plateforme. Elle apporte des projets et des contacts, m’ouvrant ainsi une fenêtre sur le monde.

Votre travail est parfois décrit comme mystérieux et empreint d’érotisme. Comment se déroule votre processus créatif  ? Cherchez-vous à faire passer un message ou s’agit-il avant tout d’une recherche esthétique ?

Je commence par de petites esquisses et études de formes avant de peindre sur la toile. Ce qui se passe dans le monde me touche, mais je ne suis pas un artiste qui cherche à transmettre de grands messages. Toutefois, pour donner un peu plus d’explications, je cherche des titres appropriés pour chaque œuvre, mais cela reste un exercice difficile. Certains artistes partent d’un titre. Moi, quand je commence une œuvre, je peux partir dans tous les sens. C’est un processus composé de nombreuses couches. Chaque œuvre demande des mois de travail. Et chaque nouvelle couche précise de plus en plus la palette de couleurs. Cette superposition est essentielle à mes yeux, car elle crée de la tactilité, comme une peau qui prend vie. Le corps a toujours été très présent dans mon travail. Avant, je cherchais toujours un résultat, mais à un certain moment, j’ai eu suffisamment confiance en moi pour m’abandonner au processus créatif et peindre de manière très intuitive. Il y a aussi une dimension très physique et je pense que le spectateur le ressent aussi.

Le jeu de clair-obscur donne parfois à vos œuvres une atmosphère sombre et, en même temps, elles cachent une grande vulnérabilité. Est-ce le reflet de votre rapport au monde ?

Il s’agit de révéler et, en même temps, de dissimuler. L’obscurité est très présente dans mes œuvres et fait partie de moi également, mais je ne ressens pas le besoin de l’analyser. Il n’est pas nécessaire de tout révéler. Je ne me considère pas comme ténébreux, mais comme tout le monde, j’ai aussi un côté obscur.

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Pour beaucoup d’artistes, une douleur intérieure est à l’origine de leur création et l’art leur permet d’en guérir. Est-ce aussi votre cas ?

Bien sûr ! Peindre me rend heureux. Je ne peux pas imaginer la vie sans l’art. Même si personne ne s’intéresse à mon travail pendant ces 20 prochaines années, cela ne m’arrêtera pas. J’en serais bien désolé, mais je ne cherche pas la reconnaissance ni la célébrité. Cela fait partie de mon identité. Comme un danseur qui veut danser toute sa vie.

Maharishi, le fondateur de la méditation transcendantale, a défini l’art comme une expression de l’amour. Vous retrouvez-vous dans cette définition ?

Absolument  ! Et c’est aussi un éternel combat contre soi-même. C’est peut-être pour cela que j’ai tant de mal à nommer mes œuvres. Pour moi, l’art est plus une façon d’être que de faire. C’est pourquoi la nature joue également un rôle important dans mes œuvres. Je suis particulièrement attiré par les paysages avec de larges panoramas et de vastes champs. La peinture est pour moi une forme de méditation et on me dit souvent que mes œuvres y invitent.

En 2005, vous avez exposé pour la première fois à Los Angeles, puis à New York et à Londres ensuite. Quels sont vos rêves pour l’avenir ?

À New York et à Los Angeles, la crise financière a entraîné la faillite de nombreuses galeries. Ce serait intéressant de pouvoir reprendre le flambeau là où elles l’ont laissé. Grâce à une exposition groupée organisée par Koen van den Broek, je me suis retrouvé à Séoul il y a quelque temps, mais je suis trop casanier pour m’installer à l’étranger. Je n’en vois pas non plus l’intérêt. Ma vie sociale et mes amis sont ici. Pour moi, c’est le lien humain qui prime.

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