
Focus sur le nouveau décret flamand relatif au bail à ferme
- 13 mai 2023
Ces derniers temps, le monde agricole connaît bon nombre de changements. Outre la conclusion récente d’un accord sur l’azote, un nouveau décret flamand sur les baux à ferme devrait aboutir bientôt. Le Parlement flamand ambitionne son approbation avant cet été.
Examinons les principaux changements à venir relatifs aux terres agricoles situées en Région flamande.
Transparence et sécurité juridique
Un contrat de bail écrit est préférable. Tant le propriétaire du terrain (le bailleur) que le locataire (le preneur) ont la possibilité de coucher sur papier un bail verbal en cours et faire ainsi valoir l’application d’un contrat écrit. Si le preneur ou le bailleur refuse de coopérer, l’autre partie peut s’adresser au juge de paix. Le cas échéant, le bailleur récalcitrant risque de voir le bail renouvelé en faveur du preneur. Et dans la situation inverse, le preneur s’expose au risque de résiliation du bail.
En cas de résiliation d’un bail, le locataire sortant a droit à une indemnité de sortie (c’est-à-dire une indemnité pour la paille, les engrais, etc. qu’il laisse après son départ). Cette indemnité est désormais fixée par la loi en cas de bail écrit et s’élève au minimum à trois fois le loyer annuel. Les parties peuvent convenir d’une indemnité plus élevée.
La loi actuelle sur les baux à ferme permet, dans certains cas, au preneur de céder l’usage d’une terre à un tiers (échange de parcelles, contrat de culture, etc.). Souvent, le propriétaire ne sait dès lors pas précisément qui exploite réellement ses terres et si une cession de bail (interdite) a eu lieu. En vertu du nouveau décret, le propriétaire peut à tout moment demander au preneur qui exploite ou a exploité ses terres et quelle est la nature du droit d’usage. Le preneur dispose alors d’un délai de deux mois pour répondre.
Par ailleurs, une nouvelle disposition anti-abus est également prévue. Tant les bailleurs que les preneurs peuvent l’invoquer s’ils souhaitent s’opposer à des pratiques qui contournent la loi sur les baux à ferme.
Équilibrer les intérêts
Les contrats d’emphytéose1 d’une durée inférieure à 27 ans seront désormais soumis à la loi sur les baux à ferme. C’est une conséquence du nouveau Code civil sur le droit des biens entré en vigueur le 1er septembre 2021. Ce dernier a réduit la durée minimale d’une emphytéose à 15 ans. Les baux emphytéotiques d’une durée supérieure à 27 ans resteront en dehors du champ d’application de la législation sur les baux à ferme.
Depuis un certain temps déjà, les fermages sont plafonnés. Pour déterminer les fermages maximaux, les commissions des fermages fixent tous les trois ans des coefficients d’indexation. Désormais, l’évolution du prix des terres agricoles, et plus uniquement la rentabilité des exploitations agricoles, sera également prise en compte dans la détermination des coefficients de fermage. Toutefois, le projet de décret prévoit formellement que le critère de rentabilité prévaut.
En cas de vente, le preneur dispose actuellement d’un droit de préemption, ainsi que du droit de transférer son droit de préemption à un tiers (sans l’accord du bailleur). Cette possibilité de transfert du droit de préemption à un tiers est exclue par le nouveau décret sur les baux à ferme lorsque l’acheteur garantit au preneur qu’il pourra continuer à louer aux mêmes conditions pendant au moins deux périodes de bail. Dans ce cas, seul le preneur peut exercer le droit de préemption.
1. L’emphytéose permet à celui qui en bénéficie d’avoir la pleine jouissance d’un bien immobilier appartenant à une autre personne, pendant une durée minimale de 15 années et maximale de 99 années. (source : Notaris. (2023). Emphytéose. Notaris.be. Consulté le 30 mars 2023, sur https://www.notaire.be/immobilier/les-servitudes-lemphyteose-et-le-droit-de-superficie/lemphyteose).
Opportunités pour les jeunes fermiers locataires
Un grand nombre de fermiers pensionnés, surnommés les « paysans canapé », restent actifs en tant qu’agriculteurs après leur départ à la retraite, mais uniquement « sur papier ». Ils conservent les terres en bail, les donnent en location saisonnière et, cerise sur le gâteau, continuent d’empocher les subsides agricoles y relatifs. Cela complique la vie du jeune agriculteur. Le nouveau décret met donc un terme à cette pratique. Les preneurs qui ont atteint l’âge de la pension devront prouver, sur simple demande, qu’ils ne sont pas (encore) retraités. Si le preneur n’a pas de successeur (qui peut prendre la relève endéans l’année) ou qu’il ne peut pas prouver qu’il n’est pas pensionné, il sera plus facile de résilier le bail. En outre, les preneurs pensionnés ne pourront plus exercer de droit de préemption. Toutefois, il sera toujours possible pour les locataires (seniors) de transférer leur bail à un successeur sans le consentement du propriétaire.

Flexibilité avant tout
Dès l’entrée en vigueur du décret, les petits propriétaires fonciers (détenant 1,5 ha de terres agricoles au maximum) pourront conclure, une seule fois et à des conditions strictes, un bail d’une durée fixe de 9 ans au minimum.
Désormais, au terme de 18 ans (soit deux périodes de bail), il sera possible de résilier le bail en vue d’une vente. Dans ce cas, la vente doit avoir lieu avant la fin du délai de préavis, qui court de la 15e année du bail jusqu’à la fin de la 18e année. Pendant cette période, le preneur conserve son droit de préemption. Cette nouvelle possibilité de résiliation doit également être prévue dans un contrat de bail écrit dans lequel une clause ad hoc sur cette possibilité est incluse et convenue. Toutefois, l’insertion de cette clause dans un bail en cours ne peut pas être imposée.
Les possibilités de cession de bail sans le consentement du propriétaire sont encore élargies. Ainsi, le nouveau décret permet également la cession du bail au conjoint ou au cohabitant légal, à condition que le mariage ou la cohabitation dure au moins deux ans. En outre, le consentement demandé pour un transfert de bail à une autre personne qu’un membre de famille privilégié ne doit plus être préalable et le silence du propriétaire vaudra consentement.
Écologisation prioritaire
Pour les terres situées dans des zones forestières ou naturelles, les propriétaires et les autorités peuvent résilier le bail pour convertir les terres louées en zones naturelles ou forestières. Et ce, avec un préavis de seulement 3 mois. On évaluera toutefois si la viabilité de l’exploitation n’est pas compromise, en tenant compte notamment de l’âge du preneur et de l’emplacement de la parcelle.
Le preneur aura cependant la possibilité de mettre en œuvre lui-même les objectifs de préservation naturelle ou de se convertir à la production biologique et d’éviter ainsi cette résiliation. Enfin, s’agissant des terres vendues pour le boisement ou leur intégration dans un plan de gestion de la nature, il n’y aura plus de droit de préemption en faveur du preneur.
Le nouveau décret sur les baux à ferme du gouvernement flamand vise un meilleur équilibre entre les intérêts des preneurs et des bailleurs, une plus grande flexibilité, de meilleures opportunités pour les jeunes agriculteurs et des possibilités de boisement et de développement de sites naturels. Le nouveau décret y parviendra-t-il ? L’avenir nous le dira.
Ce texte a été rédigé en collaboration avec Maître Jan F. De Monie du cabinet d’avocats 't Landgoed. Le nouveau décret flamand sur les baux à ferme étant encore au stade de projet, cette contribution est soumise aux réserves d’usage.
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